Omnia Vincit Amor

Enfin, me revoila.

Après six mois de silence, d’absence, ma voix s’élève comme les bourrasques du blizzard qui tourne autour de l’édifice, je profite de cette journée de neige pour relancer l’écriture du troisième volume de mon Grand Livre.

En pleine pandémie…

AVANT-PROPOS
Des syllogismes et des consignes

Plusieurs opposants au port du masque et à la vaccination contre le covid se défendent en affirmant que les consignes sanitaires de l’État sont des empiètements de la majorité sur les droits de la minorité et plus particulièrement sur la liberté des individus. Cela est peut-être vrai aux États-Unis (j’en doute, comme nous le verrons), mais dans la francophonie les choses sont tout autres.

Photo : André Tremblay, 2006
PHOTO : André Tremblay 2006

Au Québec, « On se souvient », une devise que j’ai eu souvent à expliquer et même à défendre devant des amis français en visite. C’est toujours gênant de justifier notre nostalgie collective pour la France de l’Ancien Régime où il y a eu autant de despotes que de rois magnanimes ! Ce qui est intéressant s’est de se pencher sur les solutions que ces communautés ont appliquées.

La France a eu ses révolutions tranchantes, les Canadiens français ont eu leur révolution tranquille… patiente et à l’anglaise. Les Francos-Ontariens ont eu leur révolution sereine… confortable et faste à l’américaine. Notre « nationalisme » gaulois s’est mué en solidarité, pour mieux s’opposer à « l’autre ». Mais la réalité est toujours aussi tranchante : la minorité propose, la majorité dispose : ici comme ailleurs, la solidarité est le seul bouclier qui puisse assurer une certaine sécurité et la survie des minorités.

En France, les révolutionnaires ont fait table rase, ensemble ils se sont donné un nouveau crédo, un syllogisme de trois mots unaires : Liberté, Égalité, Fraternité. Ce sont tous des mots qui ne disposent que d’une place possible dans l’énoncé, qui ne font partie que d’un seul argument. Les majuscules me semblent essentielles, comme dans les cas du « We the People » du préambule de la constitution américaine. Dans la déclaration d’indépendance, le mot Liberty a été apposé à un élément fondamental de l’humanité : life, la vie elle-même.

« We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness. »

Malheureusement, dans cette déclaration, le principe d’égalité qui est essentiel pour assurer la liberté des uns et des autres a été relégué aux oubliettes de l’esclavage. Depuis, une plaie suppure dans la vie sociale et morale des États-Unis.

Dans le syllogisme français, les prémisses s’opposent. Oui, l’individu est absolument libre dans l’absolu, mais seulement si son voisin l’est également. Si toutes les personnes sont égales, elles ont, en liberté, les mêmes droits et, fraternellement, les mêmes devoirs : la liberté de l’un est contiguë à celle de l’autre… à celles des autres dans leur multitude. Pour bien réconcilier ces deux prémisses unaires et absolues, il doit y avoir une conclusion logique et organique : la fraternité qui est fondée sur l’empathie est nécessairement vivante et, de surcroit, elle est inscrite dans la chair des individus.

Non, le port du masque n’attaque pas la liberté individuelle. Bien au contraire, ce geste l’étaie, car la liberté s’exerce fraternellement… en communauté. Le port du masque est une main tendue, c’est un geste bienveillant envers l’autre, envers ses voisins.

Cela est d’autant plus important au cœur d’une pandémie mortelle, là où même la survie de tout un chacun est interdépendante. Là où la multiplicité des solitudes rencontre la solidarité, là où la parole passe de l’écriture à la lecture, de l’un aux Autres. Tendre le bras pour accepter un vaccin est le premier geste d’un acte d’amour.

Ceci est mon corps, ceci est ma main, ceci est ma parole qui passe de mon âme à la vôtre.

Omnia Vincit Amor.

L’écriture, comme la vie en communauté, est un acte de solidarité. Surtout en minorité, là où la rentabilité sociale ou économique n’est qu’un mirage, là où le lectorat est laissé en plan dans un désert médiatique. Croire en moi qui suis seul dans ce pays, croire en nous qui sommes isolés dans cette Amérique… et croire en notre volonté de communier par la lecture, c’est appréhender le monde solidairement pour vivre pleinement.

« Un son de cloche ne dit pas notre chanson
Sa distance et son courage
Aujourd’hui sans boussole pour nous guider
On se lance à l’abordage »
Paul-André Paiement
CANO Musique