Poètes invités

Bonjour à tous,

Andrée Lacelle, une poétesse d’Ottawa, a réagi aux actes d’agression du « premier ministre » contre les Francos-Ontariens en sollicitant de courtes contributions de ses amis poètes. J’ai accepté de participer au projet d’Andrée et de publier son/notre poème rapaillé sur ce blogue. Nous vous encourageons à le partager avec le plus de personnes possible!

GAT

LE POÈME RAPAILLÉ

Dire la lumière de notre colère

LEPOÈMERAPAILLÉ_docx

 

 

 

 

 

Vous osez nous attaquer
dans notre existence même
maternée par notre langue
qui féconde notre identité
notre histoire notre mémoire
insondable est ma colère
jamais au grand jamais !
vous n’arriverez pas à me faire taire

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C’est du silence qu’émerge la parole.
C’est de cette parole que jaillit l’écho.
Avec tout le respect que je ne vous dois pas, monsieur,
je vous prie d’agréer ma reconnaissance
envers un geste qui n’aura que souligné votre ignorance.
Le silence est le meilleur prétexte pour se dire.
Merci de contribuer à notre visibilité.
Joke’s on you.

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Survivance

Poètes, soyons du cri et du hurlement
contre la meute et l’absurde de l’ignorance.
Auraient-ils déjà oublié Montfort encore fébrile
de la lutte sous nos ongles ? Nos voix durcies
par les mines et le nickel de nos passés ?
Nos quartiers décimés? Nos écoles fermées
et nos droits bafoués par leur stupeur ?
Quand on assassine une langue, on tue son peuple.

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Jean Marc savait que même dans les années 80
nous étions les Nigger-frogs de la province
mais c’est aujourd’hui que nous croassons
à voir notre étang se dessécher
Nos mines sont devenues des monuments
nos chantiers des routes vociférantes
notre soif frictionnée à l’alcool de rage

Qu’on ose nous couper les pattes
nous servirons le souper

•••

Je ne lis pas le français.
Je n’écoute pas le français.
Je n’écris pas le français.
Je ne parle pas le français.
Je n’étudie pas le français.
Je n’utilise pas le français.
Je vis le français,
comme beaucoup de francophiles.
Le fait de nous en priver est donc plus qu’un linguicide : c’est un meurtre.

•••

J’ai pris une grande marche au bord de la rivière, l’eau coule et nous aussi
j’ai pris une longue respiration au soleil, ses rayons éclairent et nous aussi
j’ai pris les dimensions de la consternation proclamée
j’ai pris de front la colère manifestée
j’ai pris la main de la détermination annoncée
j’ai pris à cœur nos mots exprimés, vêtements de la solidarité
voici venir le temps des grands vents

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Je ne sais pas écrire de la poésie sur la bêtise, l’indifférence ricanante,
L’intolérance à peine camouflée, l’aveuglement volontaire, les raisons économistes,
Les austérités néo-libérales et populistes, leurs mensonges grossiers, leurs trahisons ordinaires,
Leurs silences hautains et calculés, et les gros monsieurs grillés au soleil floridien,
Ou ailleurs, et leurs discours trompettant et plastifié ; mais ceci n’est pas un poème
Et la résistance est déroutante, polymorphe, rabelaisienne et câlisseuse.

•••

Les champs ont vieilli
La ville manque de biscuits
Nous mangeons les fleurs du tapis
La ouate des matelas nous colle aux lèvres
Les jardins se confondent dans nos corps et la misère
Ne nous fait plus bander : laissée derrière, la cendre des ténèbres
N’est plus que la poudre aux yeux calfeutrés de suif d’un aveugle
En odeur de gong. Prière de ne pas prier, aujourd’hui il faut exiger !

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Une fleur dans le canon d’un fusil – la paix !
Une parole interrompue – quel malappris !
Une langue ignorée – une cacophonie muette !
Un droit retiré – je me lève !
Droit comme la majuscule à l’accent aiguisé par mon clan.

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Non ! Vous n’étoufferez pas la flamme qui fait fleurir l’esprit
Vous ne tairez pas les mots de notre langue
à la pureté de nos fleuves et de nos rivières
à la noblesse de nos montagnes et de nos forêts.
Oui ! Nous continuerons de chanter la beauté
son souffle fécond dans nos gorges en feu.

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Nous priver de l’enseignement de notre langue
En Franc’Ontarie que nous portons au cœur
C’est charcuter l’héritage et bafouer les lois du passé
L’arbitraire imposé par l’ignorant FordiCrâneur
Cèdera le pas à Justice / Équité étant de notre côté
Sinon le Combat est réouvert jusqu’à Victoire Franc’Ontarienne !

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Sache le souffle qu’ont porté ces lieux
Leurs noms français si français
Le cœur qu’ils refoulent
Étourdi de flèches
Pointe Maligne Rigolet des Mille Roches Isle à l’enfant perdu
Pointe à la Cuisse Ance au Gobelet Isle aux deux têtes…
Je vous le dis
Je revendique le droit
De chanter ce fleuve de l’Ontario
L’infiniment oublié

•••

Chez nous !
Sur notre îlot francophone
Dans cette mer anglophone
Nous refusons de nous laisser détruire
Nous résisterons jusqu’à la mort
Ne vous en déplaise Monsieur Ford
Ici et là
Nous sommes debout
Debout et fiers d’être ce que nous sommes
Franco-Ontariens et fiers d’être là
Chez nous

•••

nous avons été, nous sommes et nous serons
fiers habitants de cette terre
nul préjugé, nul caprice, nul diktat
ne saura nous déloger
car nos racines sont
nobles, vigoureuses et profondes

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L’abécédaire du politicien

Les véritables personnes politiques
Les vraies, les fortes, les belles personnalités ALPHA
Ne s’en prennent pas aux minorités
Car cela ne règle qu’une partie des problèmes
Les vrais chefs, les vraies cheffes
Ont le courage de demander les mêmes sacrifices

D’exiger des contributions proportionnelles
De tout un chacun
Du premier au dernier
Du plus fort au plus faible
Des plus riches aux plus pauvres
DE L’ALPHA À L’OMÉGA

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Que l’âme rebelle cerne son horizon
l’élargisse au fil des générations
Elles ont œuvré pour leur université
Le centre-sud-ouest francophone s’accroît
On ne peut faire marche arrière
et oublier que toute minorité
teinte l’océan de son fleuve

•••

j’aurai le dernier mot
celui qui dit que j’ai ma place ici
et j’aurai mon mot à dire
bien après les cris blafards
cherchant à étouffer ma parole

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sur le trottoir
d’années lumières
une fleur de lys et un trillium
entrelacés d’un amour noir
sont écrasés par un gros porc
qui jette sa boue dans le jardin
des fleurons glorieux
la fin est proche qu’ils nous disaient
pendant qu’ils la précipitaient.
se tenir la main au bord du gouffre
pour éviter qu’on y glisse
crier dans ce trou
pour que les échos l’ensevelissent

la lutte est longue dans les coulisses

•••

Réduire au silence
600 000 rebelles
conduit,
M. Ford,
au lever d’un peuple
car nous sommes debout depuis 400 ans
et ce n’est pas vous qui nous ferez taire.

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Avec en mémoire mes ancêtres précurseurs
Je dépiste la trace de la trace
Au diapason du monde
Notre parole française franche
Disait dit dira la vie ici

Quand je revois l’arbre de mon enfance
Plus haut que les autres
Parfois je pressens le temps d’un mythe venu
Or l’arbre qui me fixe ne sera pas abattu

 

POÈTES

Pour une mobilisation de la parole poétique franco-ontarienne
face à l’attaque du gouvernement Ford contre notre collectivité

François Baril Pelletier – Angèle Bassolé – Jean Boisjoli – Hédi Bouraoui – André Charlebois – Éric Charlebois – Tina Charlebois – Nicole V. Champeau – Andrée Christensen – Margaret Michèle Cook – Daniel Groleau-Landry – Andrée Lacelle – Gilles Lacombe – Sonia Lamontagne – Gilles Latour – Pierre Raphaël Pelletier – Paul Savoie – Michel A. Thérien – Gaston Tremblay – Lélia Young

Un chroniqueur invité

Therein lies the rub

Je suis de très près le débat sur l’abolition de l’université française à Toronto. Je suis toujours perplexe, car je m’inquiète beaucoup plus de la réduction des services en français à l’Université d’Ottawa et surtout à l’Université Laurentienne que de l’abolition d’une université française hypothétique à Toronto.

Surtout à la Laurentienne, car cette université opère depuis ses débuts grâce à la Charte de Collège du Sacré-Cœur (1913) qui, depuis le premier quart du vingtième siècle, détenait une charte universitaire (quelques années après la fondation du collège). C’est avec cette charte que les Jésuites ont fondé l’Université de Sudbury, bilingue et catholique. C’est cette même charte qui a servi à lancer la Laurentienne, une université bilingue et non confessionnelle.

Au début, pendant les années soixante, au troisième étage de l’édifice central, on trouvait à la gauche de l’escalier le département d’anglais et à la droite de l’ascenseur, le département de français. Le symbole était fort, car cette université bilingue et biculturelle a choisi à l’époque de monter en épingle son bicœur, ces deux départements qui devaient faire la promotion de nos deux langues et cultures nationales… également !

Ce n’est plus le cas ! Je me limiterai à citer une étudiante qui a dû cette année prendre un cours au département d’études anglaises pour terminer son baccalauréat en études françaises.

“To die, to sleep
To sleep perchance to dream:
Ay, there’s the rub.
For in that sleep of death what dreams may come”

Il y a quelques années je me suis présenté au Microsoft Store de Toronto pour une expertise technique. J’ai demandé au jeune préposé la question suivante.

GAT : When will the Microsoft Store be open for business in Montreal?

Microsoft person : There will never be a Microsoft store in Montreal!

GAT : Why?

Microsoft person : Because of the language issue.

Un chroniqueur de La Presse à Montréal a senti le besoin de publier cet article dans les deux langues pour interpeler plus efficacement ces compatriotes anglophones qui travaillent dans les grands médias anglais de Toronto.

Je vous la soumets en anglais, car tous mes lecteurs sont bilingues (we have no language issues), mais j’ai inséré à la fin de l’article un hyperlien vers la version française.

« GUYS, REMEMBER PASTAGATE ? !

La Presse columnist is aghast at the near- total lack of interest of the Toronto press
PATRICK LAGACÉ LA PRESSE
Did you hear that double thud ? It’s the one-two punch that just landed on the face of the Franco-Ontarian community. The fist belongs to Ontario Premier Doug Ford, who has just cancelledPresse plans to build the province’s first francophone university and eviscerated the Office of the French Language Services Commissioner.
Yes, I am outraged, as a lot of francophones from coast to coast are. Of course, to know about that outrage, you would have to check the French media. The anglo media outside Quebec are doing the bare minimum in terms of coverage.
Hence, this column in English. I’m thinking that maybe, just maybe, if you read about the outrage going on in your province from a guy in Montreal – but in English – maybe you’ll pay attention and start giving a damn. I’m not holding my breath, mind you.
The near-silence from the Toronto press on these bigoted cutbacks targeting the Franco-Ontarian community is quite ironic. Usually, outlets like the National Post, the Toronto Star or The Globe and Mail, to name a few, offer a pugnacious coverage of language issues and spats… when they happen in Quebec and when the (real or perceived) villain is the Quebec government.
But when francophobe cutbacks – yes, dear comrades in the Toronto commentariat, francophobe, say it, it won’t hurt your tongue – target the francophone minority in Ontario, the forceful columns and editorials are nowhere to be found.
It’s ironic, as I said, because through the years, I’ve sometimes had the impression, reading the Toronto press, that it is very, very, very concerned with the fate of minorities in Quebec. In fact, you could think, reading some pieces, that the anglo minority in Quebec is enslaved.
No, I am not conjuring up the slavery metaphor in vain. I actually read it in The Globe and Mail at the height of Pastagate… Remember Pastagate ? To recap : an inspector from the Office québécois de la langue française, in a ridiculous bout of zeal, was going to fine a restaurant for having Italian words on its menu. Granted, it was dumb. I said so at the time. So did many others in Quebec, in the winter of 2013.
Pastagate was heavily covered in the Toronto press. Columns, editorials : the hot takes were piling up. So, a piece published in the Globe on February 26th 2013 started with a lengthy quote from Frederick Douglass, the famous African-American former slave who fought against the infamy of slavery…
The second paragraph of the piece authored by Sandy White stated this : “That was Frederick Douglass writing about the fight against slavery in the United States prior to the American Civil War.
HOWEVER, ONE COULD EASILY MISTAKE THIS AS SOMEONE WRITING TODAY ABOUT QUEBEC…”
Caps are mine and serve to emphasize the sheer stupidity of linking the crimes against humanity that was slavery and the fate of the anglophone minority in Quebec. But it was written. And it was published. Not in a xenophobic rag like the Toronto SUN, mind you : in Canada’s National Newspaper.
Let’s stay on Pastagate, if you will. It is a great prism through which one can analyze the double standard at work when the media from English Canada step to the plate for the rights of linguistic minorities…
On March 1st 2013, at the height of Pastagate coverage, a National Post editorial stated this : “In short, Quebec’s language laws are an international embarrassment because they deserve to be – only they are really no laughing matter. CANADIANS WOULD BE APPALLED IF A FOREIGN GOVERNMENT IN A DEVELOPED COUNTRY TREATED A MINORITY THE WAY QUEBEC’S GOVERNMENT TREATS ITS ANGLOPHONES AND ALLOPHONES.”
Caps are mine, again…
I’ll be clear : there is always room for improvement in the treatment of Quebec minorities.
But inferring that anglophones and allophones in Quebec are so ill-treated that it should warrant international outrage is both incredibly dishonest and a gross exaggeration. Still, it was published.
As a Quebecker I am proud of the fact that the anglophone community has institutions that are publicly funded by the Quebec government. It has three universities, McGill, Concordia and Bishop’s. When Quebec built the francophone Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), it also built the anglophone McGill University Health Center (MUHC), in the same spirit : that these hospitals be world-class hospitals. Nothing is perfect, of course, but this is one way to respect minorities : by funding their institutions.
So, tell me, fellow columnists in the Toronto papers, where is the world-class, francophone hospital in Ontario ?
There is Montfort, yes. Great hospital. Not “world-class” like the MUHC, I’d say, though. And the francophone community had to go to court a generation ago to ensure that the Conservative (again) government of Mike Harris could not kill Montfort Hospital, like it tried to.
And where is the francophone university in Ontario ? If you answered Ottawa U, wrong you are : it’s a bilingual university, like Laurentian in Sudbury. There was at long last going to be a francophone university in Toronto, after decades of dreaming about it and planning for it, and…
And, well, Doug Ford just killed it.
So I am asking you, my fellow comrades-in-arms in the commentariat, yes, you, the editorial and opinion writers based in Toronto…
Where is the outrage ?
Nowhere, I gather : Étienne Fortin-Gauthier, a reporter for the public broadcaster TFO, tweeted yesterday that his daily press brief from Queen’s Park included NOT A SINGLE WORD ABOUT THE FRANCOPHONES’ MOBILISATION (caps mine, again) in the Toronto press. Repeat : NOT A SINGLE WORD.
Francophones across Canada are aghast at this frontal attack on francophones’ institutions and rights led by Doug Ford and (sigh) Caroline Mulroney, who is exceptionally gifted in the role of the token francophone in Mr. Ford’s Cabinet. This outrage is echoed in Ottawa by Prime Minister Trudeau and Mélanie Joly, the Cabinet minister responsible for Official Languages. It is echoed by francophone media and the Montreal Gazette, which lambasted Ford in an editorial.
But what about the Toronto press, which is so influential in setting the agenda in this country ? All I’ve seen is a bare minimum coverage, a 5W-type coverage since the announcement last Thursday.
As far as I can tell, Chantal Hébert, in the Star, is the only opinion writer in the Toronto press who has given a voice to the grievances of French-speaking Ontarians.
Where are the pugnacious columns denouncing this mistreatment of a linguistic minority in Ontario ? Where are the sanctimonious editorials ? I am not even asking for a slavery metaphor ! You know, just the same concerns that propelled your Pastagate coverage from 2013…
I know that I’m gonna die waiting for you guys to care about francophones in Ontario. I have to come to terms with the fact that when it comes to linguistic minority rights, the Toronto press cares only about anglos in Quebec.
As for the Frogs in Ontario, well, as this delicious English expression goes : you don’t give a shit. »

Version française dans la Presse.

https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201811/19/01-5204844-ils-sen-fichent.php