Larvatus prodeo!

Le Masque de Philippe Haineault
Le Masque
de Philippe Haineault

Je me permets de me citer ma thèse, «La Littérature du vacuum», dans laquelle je cite Barthes et Bilens pour mettre en valeur le concept que ce vitrail me rappelle à l’esprit « il nous faut signer un contrat avec le lecteur, et ce sont Roland Barthes et Georges Bilens qui nous instruisent, car tous deux se rabattent sur l’écriture pour signer avec le lecteur un pacte de sincérité :

Larvatus prodeo, je m’avance en désignant mon masque du doigt. Que ce soit l’expérience inhumaine du poète, assumant la plus grave des ruptures, celle du langage social ou que ce soit le mensonge crédible du romancier, la sincérité a ici besoin de faux signes faux, et évidemment faux, pour être consommée[1].

Ce sont les coups du brigadier qui précèdent le lever du rideau et, dans le cas qui nous intéresse, c’est la première personne du pluriel du narrateur et la troisième personne du singulier — ou pluriel dans le cas des projets collectifs que nous attribuons à l’auteur lorsqu’il figure dans cette analyse. Indices de surfaces ? Certes, mais ce sont des signes que le lecteur reconnaîtra facilement, car, somme toute, ce sera à lui de faire la part des choses.

Il ne suffit pas de montrer son masque du doigt, car il faut avant tout savoir faire la différence entre l’être et le paraître. Ce qui peut sembler évident aux spectateurs est en fait de la haute voltige pour le comédien qui doit puiser dans son for intérieur pour donner à son personnage un peu de chair, une part de son âme et, pour le temps de la représentation, son sang et son souffle. Mikhaïl Bakhtine parle d’exotopie pour décrire la posture que doit adopter un écrivain pour tenir compte non seulement des objets qu’il veut mettre en scène, mais aussi de sa personne qui est le Sujet et, jusqu’à un certain point, l’Objet du texte qui s’écrit. Cette exotopie, cette posture à l’extérieur de soi, est le topos, le lieu, que choisit l’auteur pour écrire. Au-delà de ses premiers textes autobiographiques, il doit apprendre à se déplacer de topos en topos tout en effectuant des allers-retours entre les postures qu’il adopte et sa personne. Pour survivre, pour ne pas sombrer dans l’abîme, il doit aussi pouvoir, en fin de journée, se recentrer sur lui-même. »

 

[1] Roland Barthes, 1953. Le Degré zéro de l’écriture. Coll. « Méditations », Paris, Gonthier, p. 37.

De rafale en rafale

 

Chaque matin, je lis une partie du récit poétique Du pain dans les joues, de Louise Marois. L’histoire d’un couple, d’une maison, et d’un entrepreneur en rénovatiphotoon. Il n’y pas de dialogues, seulement des discours intérieurs tout en subtilité.

Pour lire ce récit, il fait s’y abandonner, se laisser bercer par le texte. Ce matin, un chapitre m’a rappelé un vers de Robert Dickson :

« Novembre est oriental en sa sobriété »

Un vers qui m’a marqué et qui revient constamment à ma conscience comme un leitmotiv.

Il y a quelques semaines, je l’ai évoqué pour expliquer à un verrier ce que j’aimerais voir dans le vitrail que je lui ai commandé pour la fenêtre de mon atelier. Et puis j’ai tenté de faire revivre l’image suivante, celle-là même qui est au cœur du Langage des chiens.

De rafale en rafale
Dans l’aveuglement du blizzard
L’enfant pose une à une ses galoches
Dans l’évanescence de ses empreintes

Depuis lors, le temps qui passe
Se mesure à la profondeur
De ses traces dans son champ de neige
Comme dans le vif de la chair de cette page.

Nous avons bien travaillé, d’ici quelques jours j’afficherai la photo du vitrail et le texte d’accompagnement.

À suivre