Un autre texte retranché du Grand Livre

Comme l’encre de ses poèmes sur son papier…

Samedi en fin d’aprèm.

L’été est dans mon appartement comme elle pèse sur la ville, l’air est lourd… malgré l’orage… la pluie battante, le vent qui se déchaine, l’air frais de l’après-tempête… malgré TOUT, mon ÂME s’échauffe et mes mots suintent. Je me suis préparé un capucino, j’ai décidé de faire le tri des livres sur ma table de lecture, Estuaire 103, des poèmes très courts d’Annie Dulong et surtout un texte de Gérald Leblanc qui fait l’apologie de Ginsberg. Voilà les deux poètes que je voulais lire avant de ranger le numéro 103. Un peu de Jazz, une samba en portugais, le ventilateur qui tourne et le capucino qui me fait carburer… Voilà! C’est fait! Les textes d’Annie sont très bien, mais le texte de Gérald est accroché au fond de ma gorge, pas moyen de ranger ce volume dans la bibliothèque, cet homme est gravé dans ma mémoire comme l’encre de ses poèmes sur son papier…

« Om [Gérald], Om [Gérald],

Ommmm »

Post-sriptum : 
affiché le 15 août, en cette journée acadienne de tintamarre et casseroles…

Le prix d’un plein…

Ce matin, en tondant le gazon, je pensais aux Nord-américains qui ont systématiquement consacré 40 % de la récolte du maïs pour faire de l’éthanol, pour nourrir leur VUS, sans tenir compte des pays du tiers monde, sans tenir compte de leurs voisins qui peinent à faire arriver les deux bouts.

Il y a quelques années, j’ai lu un article dans lequel l’auteur affirmait que l’on était coupable de meurtre chaque fois que l’on remplissait sa voiture d’éthanol. Son argument était que le prix du maïs allait augmenter jusqu’à ce qu’il égale celui de l’essence. Puisque produire un plein d’essence exige autant de maïs qu’un homme du tiers monde consomme dans une année, il conclut qu’un homme serait la victime hebdomadaire de chaque VUS.

Argument simpliste, alarmiste, certes; mais le maïs se fait rare, les prix du maïs ont triplé, le coût des denrées alimentaires augmente rapidement.

Il y a une sécheresse aux États, ce qui empire la situation. Heureusement que c’est une année d’élection. Enfin, les politiciens en parlent.

À suivre

De la fiction, du mensonge et de l’autobiographie

Mon ami Paul-André a écrit « Je suis un comédien, car je suis menteur; je suis musicien, car je recherche la vérité. » Un comédien habite un masque, il est un avatar vivant, un être qui nous dit avec sa chair et son esprit ce qu’il croit important, pertinent, intense et véritable dans le rôle qu’il interprète. Son poème est vivant, de chair et d’esprit, ils évoluent ensemble dans le monde des hommes; de commune entente, dans un lieu virtuel, dans le temps et dans l’espace ils rencontrent les autres.

Mon ami n’était pas menteur, c’est plutôt qu’il ne croyait pas en lui-même, il avait l’impression de jouer un rôle… Il a dû quitter la scène.

En relançant Le grand livre, je me suis engagé à ne rien dire qu’il n’aurait pas dit aujourd’hui, à ne rien écrire qu’il n’écrirait pas,  de ne rien écrire, qui de mon point de vue ne serait pas vrai, de ne pas dire ce qui ne se dit pas; et de raconter une histoire fictive qui puisse être glissée dans une bouteille littéraire, une bouteille que je pourrais lancer sur la mer qu’est la littérature.

Le Grand Livre est vrai,  l’histoire est fictive, c’est une métaphore, un reflet de la vérité. De là le passage du Prélude qui dit : Faut-il le dire ? S’il n’y a rien de vrai dans ce récit, c’est qu’il n’y a rien de faux.

À bien y penser, c’est le contrat éthique que j’ai pris avec moi-même, avec Paul-André et avec mes lecteurs avant d’écrire Le grand Livre.

Tout ce que l’on perçoit est un tableau, une symphonie, un grand parfum, un plat sublime qui mijote sur le feu et, après la lecture, après l’amour, après le sommeil, c’est aussi l’air frais du matin à la fine fleur de notre peau.

Ce que nous en pensons, ce que nous en disons, ce que nous en écrivons sont imprégnés de notre personne.

Et de mon texte, à l’instar de Ponce Pilate,  je ne peux que dire ; ecce homo, que je traduis ainsi : ce n’est qu’un reflet de l’Homme!

GAT

Un aparté retranché

APARTÉ RETRANCHÉ DU MANUSCRIT

— AIMER JUSQU’À LA DÉCHIRURE —

Que le temps passe vite, j’ai pris pleinement conscience du sens de cette chanson en lisant le texte français plusieurs années plus tard. En 1967, elle nous arrivait en  direct de Broadway, en anglais, et nous l’avons reçu dans un contexte religieux où la chasteté était mise de l’avant comme si la dénégation de soi était la seule et unique marque du véritable amour ! Aujourd’hui, je me plais à imaginer la réaction que les religieuses et les adolescents auraient eue à l’écoute de la version française de Jacques Brel a traduite et même réécrite Brel a traduit :

To right to un-rightable wrong

To love pure and chaste from afar

To try when your arms are too weary

To reach the unreachable star

ainsi :

Aimer jusqu’à la déchirure

Aimer même trop, même mal

Tenter sans force et sans armure

D’atteindre l’impossible étoile.

La-petite-sœur-dont-je-ne-rappelle-pas-le-nom écoutait The man from the Mancha plusieurs fois par jour, c’était pour elle une prière. Ce ne pouvait être la version française où les soldats seuls et sans amour « se paient l’enfer » dans les bordels de la Mancha. Aimer d’un amour pur et chaste ou aimer jusqu’à la déchirure, c’est le monde à l’envers, voilà pourquoi ce récit vacille, que les acteurs sont ballottés de bâbord à tribord et qu’une si belle amitié sombre dans l’absurde plutôt que suivre son chemins sur le continuum de l’amour.

Nous nous sommes aimés jusqu’à la déchirure, car notre amour était impossible.

Je le sais aujourd’hui, mais à l’époque…