Le Grand Livre…
Volume 2, le 13 février 2019
Il neige depuis deux jours…
Pendant les derniers mois de ta vie, sachant que les choses allaient mal pour toi, je signais mes courriels en écrivant « Ton père qui t’aime depuis toujours et pour toujours ».
Je me rappele le jour de ta naissance, tu es apparu dans la pouponnière comme un petit homard à l’envers. La garde te lavait en te tenant, à bout de bras, par les talons. Elle t’a enrobé, t’as mis un petit chapeau, je t’aimais déjà… sans condition. Je ne savais pas exactement comment te le dire, je ne l’ai jamais sus, mais je sentais que je devais être là, car, à l’époque, c’est devant la fenêtre panoramique de la pouponnière que les papas « attendaient » paisiblement que le fruit de leurs entrailles soit livré. Ils avaient alors la vie facilement, the labor was done elsewhere.
Le « depuis toujours » est fini, et maintenant je suis dans le « pour toujours », même si tu n’es plus. À chaque fois, que je vois une relation difficile entre un père et un fils à la télé, au cinéma, ou que je la découvre dans un bouquin ou dans le dramatique du réel… je pleure.
Maman avait raison, perdre un enfant, c’est une petite mort… qui est là pour toujours. La perte est toujours présente, la douleur s’éveille facilement, et les larmes viennent d’elles-mêmes… J’ai mal à mon âme.
Depuis toujours et pour toujours.
En fait, je n’ai pas dit toute la vérité, avant de pleurer j’ai habituellement une abréaction, ensuite sans voir venir je crie ton nom, à pleins poumons… Ton nom qui résonne sur les murs de mon appartement appelle mes pleurs, comme les cris d’une mère qui apprend la mort de son enfant. Je suis seul, donc cela ne dérange personne. Je pleure d’autant plus. Normalement, les papas n’ont pas d’abréactions, les grands garçons ne pleurent pas, et pourtant… c’est ainsi.
Depuis toujours et pour toujours.