De la nécessité d’écrire III

D’amour et de turbulences, « Pour ceux qui dansent, no 5 », inéditGaston Tremblay, écrivain en résidence, Toronto Reference Library

Mon poste à Toronto s’achève, voici un extrait de livre de poésie que j’ai finalisé pendant ma résidence d’écrivain à la Bibliothèque publique de référence de Toronto.

My stay in Toronto is at an end, here is an excerpt of the poetry book I have been fine tuning during my placement as Writer in residence at the Toronto public reference library.


 

Vendredi

Un pas de deux,mylene161
Le désir d’un regard
Un pas vers l’autre
Nos regards qui s’entrouvrent
Un tour de hanche, un autre pas
Une pause langoureuse
Un torse bombé, des lèvres rouges et pulpeuse
Un sourire érotique
Un pas de plus
Pour mieux se convoiter

 

 

Renversez-le !
Pourquoi pas ?
Il vous renverserait volontiers

Les yeux dans les yeux
En
Un corps à corps
Nos sexes s’effleurent
En
Notre Tango du Mont-Royal


Friday

Photo AndrŽ Tremblay WWW.andretremblay.com

A pas de deux
A stare. And… a desire
A step towards one another
A few dancing steps,
A twist of the hip, another step
A languorous pause
A defiant chest, fleshy red lips

An erotic smile
An extra step
To better covet one another

 

Tip him over
Why not
He would gladly tip you over.

Mine eyes in yours and yours in mine
And
Avidly clinching to each other’s bodies
And fleeting sensual fondles
In
Our Mount-Royal Tango


 

 

 

De la nécessité d’écrire II

Voyage dans le temps

Gaston Tremblay, écrivain en résidence, Toronto Reference Library


 

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Auto-portrait dans la nuit

Il y a des évènements qui nous traumatisent ; tellement que plusieurs années plus tard on sent le besoin de tirer les choses au clair, si ce n’est que pour continuer à cheminer sur notre ligne de vie.
Le suicide de mon ami Paul-André et, surtout, celui de mon fils André sont de tels évènements.
J’ai longtemps cru que l’artiste était un être incomplet, une figure géométrique ouverte sur l’infini et l’éternité plutôt qu’un objet figé et refermé sur lui-même. Ainsi, son œuvre témoignerait de ses tentatives de tirer des lignes entre les points de l’œuvre inachevée qu’il croit être.
Rester ouvert sur le monde, sur l’infinité du possible, est un exercice dangereux : d’une part, il y a la voie de l’éclatement qui donne sur le néant et, d’une autre part, le chemin vers la finitude et l’inéluctable, vers la mort en nous. Il n’y a que le voyage et les traces de ce dernier qui soient réels : nos enfants et nos œuvres nous projettent dans le futur. Voir mourir son enfant, c’est mourir et survivre en même temps.
Dernièrement, pour moi, c’est la plénitude, une quasi-complétude qui s’impose ; j’ai nettement l’impression d’être abouti, d’être ce que j’ai toujours voulu être ou ce que j’ai toujours voulu être. Je ne suis pas pour autant complet, ma très grande peine, ma solitude et mon œuvre en témoignent.
Un de mes amis a fait dire ceci à un de ses personnages : « L’être humain n’est sincère qu’à travers le sexe et seulement s’il s’y abandonne complètement, le reste du temps, il n’est que superficialité, artifice et faux-semblant… » Le personnage de Thibault est un jeune homme en mal d’amour, un adolescent qui passe à l’action, ne serait-ce que pour assouvir sa soif de tendresse et satisfaire son appétit animal. Ce qui a retenu mon attention, c’est que l’on peut remplacer le mot sexe par le mot musique, par exemple, qui serait le mot de mon ami Paul-André. On entre alors de plain-pied dans un paradigme universel, une énigme qui a autant de déclinaisons qu’il y a d’individus.
Quel est mon mot ? Quel est le vôtre ? Musique, mathématiques, sexe, écriture, photographie, pouvoir, violence, argent, lecture, famille… Pour lequel vivez-vous ?
Il me semble que la réponse est tout à la fois inconséquente et essentielle… Non, absolue, car mon ami Paul-André était menteur, Dieu qu’il était menteur, mais sa musique était sublime. Malheureusement, mon fils s’est refermé sur lui-même, sur sa douleur, sur son mal à l’âme…

 

Dans le silence de ta mort
Il n’y a que noirceur et absence
Il n’y a que l’écho du silence
Et cette tristesse sans nom

Car nous sommes d’images et de poésies

Et l’écriture comme la musique et la photographie, sont pour moi des machines à voyager dans le temps.
***
Ceux qui aimeraient en savoir plus sur mes voyages dans le temps peuvent acheter mon roman, Le Grand Livre, chez leur libraire ou aux éditions Prise de parole. Le roman est aussi disponible à l’Internet et à la Bibliothèque publique de Toronto.
http://www.prisedeparole.ca/acheter-ce-livre-en-format-numerique/
• Le Grand Livre, roman, Sudbury, Prise de parole, 2012, 441 p.
• D’amour et de turbulences, poésies, Prise de parole, à paraitre au printemps 2016.

De le nécessité d’écrire 1

CSC
Gaston à 13 ans, le cardigan de joueur de basket appartenait à son frère!

Je ne saurais parler au nom de tous les écrivains, donc je me propose d’aborder cette question d’un point de vue tout à fait personnel.

Le lendemain de mon treizième anniversaire, je me suis retrouvé dans un collège classique sous la direction d’une trentaine de jésuites canadiens. J’étais un des plus jeunes, en fait, disons-le, j’étais trop jeune.

J’étais un enfant dans un monde d’hommes de robe et d’adolescents survoltés, émotifs je n’arrivais pas à communiquer efficacement avec qui que ce soit, si ce n’est qu’en faisait des pitreries pour la galerie. Le destin est impitoyable et bien que j’étais « un petit enfant » en détresse, ni Jésus ni Dieu ne me répondait, mais les jésuites, eux, ne se gênaient pas de faire leur devoir d’état à grand coup de martinet. Aie !!! Que je les ai payées cher mes plaisanteries !

À bien y penser, ces farces plates, ces commentaires sarcastiques n’étaient que les cris de désespoir, des lapsus d’un petit garçon qui ne savait pas pourquoi il était là, pourquoi sa mère l’avait abandonné, pourquoi les prêtres le battaient avec une trop longue lanière de cuir polie, noire d’un côté et brune sang-de-bœuf de l’autre.

Au collège, l’écriture était appréciée, en français, en latin et à la rigueur en anglais. Je me suis mis à écrire des poèmes, l’écriture était alors une soupape, ma chambre de décompression, ma maison loin de celle de ma mère.

  • O nuit, que tu es noire
  • Toi qui aime boire
  • Tous mes espoirs
  • O nuit, que tu es noire

Une manière d’appréhender le monde en silence, de réconcilier mes sentiments à ma réalité et au besoin de les cacher dans un petit coffre secret, ou personne ne pourrait me les reprocher, me punir pour avoir osé penser de telles choses. C’est à ce moment-là que j’ai appris à verrouiller mes petites boîtes de vérité à double tour. Ce n’était pas des métaphores, c’était tout au plus des petites clefs, on n’a qu’à remplacer le mot « nuit » par « maman » pour entrer de plain-pied dans le monde d’un enfant de treize ans et quelques jours.

Il y a quelques années, lors de mes vacances annuelles au chalet de ma famille j’ai permis à mon fils de douze ans d’inviter un ami pour la semaine. C’était l’endroit idéal, pour les vacances de jeunes garçons : jungle dense, petite plage rocailleuse, petites îles dans la baie et un bateau avec un moteur de trois forces pour s’y rendre. Ils se sont amusés pendant quelques jours et quelques nuits de camping. Mais le petit copain qui devait partir pour le collège classique de Cornwall, apeuré par le grand départ qui s’approchait, s’est mis à s’ennuyer de sa mère. Malgré la plage, malgré le soleil et l’eau claire, le petit était coiffé d’un petit nuage gris, il avait la larme à l’œil. Tellement, que nous avons dû le reconduire à la maison. Triste histoire pour mon fils qui a perdu son ami en pleines vacances, et pour moi ce fut l’occasion de vivre un déjà vue et de comprendre in situ ce que j’avais vécu in vitro, dans un collège classique.

Pour ceux ou celle d’entre vous qui trouve cette histoire émouvante, j’ajoute que le petit camarade n’a pas eu à vivre ce que j’ai vécu, car ses parents l’on inscrit à l’école secondaire de son quartier pour quelques années, tout près de sa maman.

Pour ceux qui aimeraient en savoir plus au sujet de mes vacances au chalet  ou au sujet de mes aventures au collège peuvent commander mon recueil de poésies, Sur le Lac clair et mon roman Le Nickel Strange aux éditions Prise de parole. Les livres sont aussi disponibles à l’Internet ou à la Bibliothèque publique de Toronto.

http://www.prisedeparole.ca/acheter-ce-livre-en-format-numerique/

Lettre à un terroriste

Alain Baudot, un ami et éditeur du GREF, m’a fait parvenir ce texte avec les instructions de le faire suivre.

Vous pouvez faire de même, car c’est une lettre ouverte que Simon Casteran a adressée à tout le monde.

Sa lettre à Daech fait le buzz sur internet

GAT 

Mon cher Daech,

J’ai bien lu ton communiqué de presse victorieux. Comme on l’imagine, tu dois être heureux du succès de tes attaques menées vendredi soir à Paris. Massacrer des civils innocents qui ne demandaient qu’à jouir d’un bon match de foot, d’un concert de métal ou tout simplement d’un petit restau entre potes, ça défoule, pas vrai ? Alors certes, ça ne te change pas beaucoup des milliers d’exactions commises quotidiennement, depuis des années, en Irak et en Syrie. Mais en bonne multinationale des lâches et des peine-à-jouir que tu es, il te fallait t’imposer sur le marché occidental. Ce que tu as fait, dès janvier, avec l’attentat de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Toutes mes félicitations : grâce à tes happenings sordides et sanglants, la marque Daech est plus forte que jamais. Elle a même effacé jusqu’au souvenir d’Al-Qaeda qui, à côté de toi, semble désormais presque raisonnable.

terrorismeDonc, tu as tué. Oh bien sûr, pas par goût du sang et de la violence, mais au nom «d’Allah le Très Miséricordieux». Moi qui croyais que la «miséricorde» suppose la bonté et l’indulgence envers les autres, je ferais mieux de jeter mon dictionnaire. Et de m’acheter une Kalachnikov et des grenades, pour m’en aller distribuer à mon tour amour et compassion partout où vous vous trouvez. Avant de laisser, sur vos corps enfin bénis, la photo de ma cousine Madeleine, que votre miséricorde a lâchement assassinée vendredi au Bataclan.

L’eussiez-vous connue, que vous l’auriez détestée immédiatement. C’était une femme libre et heureuse, pleine de cette lumière intérieure qui vous manque tant. Horreur suprême, c’était aussi une intellectuelle, qui aimait son métier de prof de lettres en collège. Car oui, chez nous, les femmes ont non seulement le droit d’être éduquées, mais aussi d’enseigner. Tout comme elles ont le droit d’aller où bon leur semble, d’écouter de la musique, de boire de l’alcool et d’aimer qui elles veulent. Sans burqa, ni violence. Bref, de jouir de cette liberté qui vous fait tant horreur. Et dont Paris, «la capitale des abominations et de la perversion», dis-tu, s’est fait depuis longtemps la représentante.

Oui, chers sœurs et frères, n’en doutons pas : l’abomination et la perversion n’est pas à chercher dans le massacre d’innocents par des fanatiques surarmés, qui travestissent le Coran en un manuel du parfait petit terroriste, mais dans cette vie païenne, faite de plaisirs et de joie. Cette «fête de la perversité» qui réunit, de semaine en semaine, des milliers «d’idolâtres» ; lesquels, au lieu d’adorer la Mort comme vous le faites en «(divorçant) de la vie d’ici-bas», préfèrent se rassembler pour communier ensemble, dans un instant de partage et d’adoration de l’existence.

À ce titre, mon petit, ridicule, mesquin Daech, je te dois un aveu : moi aussi, je suis un pervers et un idolâtre. J’aime la vie, le métal, les restaus et, parfois même, regarder un match de foot. Mea culpa, mea maxima globeculpa. Je suis un Croisé, comme tu dis. Un Croisé de la liberté, de l’amour et de la convivialité ; à la différence, cependant, que contrairement à toi, j’ai évolué depuis le Moyen Âge. Ma religion n’est pas faite de fer et de sang, comme la tienne, mais de chair et d’espoir. Aussi, si tu veux un bon conseil, mon cher Daech, dépêche-toi : car l’Histoire est sur tes talons, et déjà les Lumières que tu veux éteindre menacent ton califat d’un autre âge.

«Allah est le plus grand», écris-tu. «Or c’est à Allah qu’est la puissance ainsi qu’à Son messager et aux croyants. Mais les hypocrites ne le savent pas» (sourate 63, verset 8). Sur ce point, je ne peux que te donner raison. Qu’on l’appelle Dieu, Yahvé ou Allah, le Tout-puissant n’a guère besoin que l’on tue en son nom, ni que l’on pervertisse Ses lois. Alors, pourquoi continuer à tuer ? Ton Seigneur est-il si faible, dans ton esprit, qu’il ne puisse agir de lui-même ? Je ne peux le croire. Ce que je crois, en revanche, c’est que tu t’arranges bien de Son silence. Qu’en tuant au nom de ce même islam et des musulmans que tu prétends défendre, tout en les assassinant, c’est la Création divine que tu détruis. Ce qui fait de toi un impie, un pécheur, encore plus coupable que le croyant que tu exècres, ou les païens que nous sommes. Mais cela, les hypocrites ne le savent pas.

Simon Casteran

AU NOM DE DIEU

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C’est ainsi
Nus
Qu’ils se présentent
À nous
Sans pudeur et sans souci
Pour leurs lendemains.

Le temps de leur vie
S’écoule
Plus rapidement que le nôtre
Pour eux
Les mots ne sont plus transparents
Ils sont opaques
Comme des ampoules gonflées de sang
Leurs consonnes et leurs voyelles
Sont
Entourées d’une gangue d’amertume
Et deviennent
De véritables grenades mystiques.

Ils ne les couchent pas sur du papier
Ils ne les mettent pas en bouteille
Ils ne confient plus leurs poèmes à la mer.
Ils les inscrivent plutôt dans la chair de leurs corps
C’est ainsi
Qu’ils se préparent à leurs bains de foule

Leurs mots et leurs prières
Sont
Des bombes à retardement
Autour de leur taille
Leurs cris et leur slogan
Sont
Des consonnes à fragmentation
Au cœur d’une foule ensanglantée.
Désormais…
C’est ici
Unis
Qu’ils se présentent
À nous
Sans l’ombre d’un souci
Pour nos lendemains.

L’autofiction

L’écrivain Gaston Tremblay parle d’autofiction à la bibliothèque

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Genre littéraire intrigant, l’autofiction compte de nombreux adeptes, à l’image de Gaston Tremblay. Écrivain en résidence originaire de Sudbury, il s’est produit à la Bibliothèque de référence de Toronto le 3 octobre à l’occasion d’une présentation sur ce style particulier et remettra le couvert le 10 octobre à l’occasion d’un atelier d’écriture.

Aussi loin que remonte sa mémoire, cet ancien étudiant de l’université Laurentienne désormais installé à Montréal reconnaît que l’écriture a toujours été son support de prédilection : « Je trouve ça excitant! Depuis que je suis ado, l’écriture c’est mon moyen d’expression. Je me spécialise dans l’autofiction à des degrés divers. » Toutefois, avant de se lancer corps et âme dans ce domaine, son parcours était celui d’un homme de théâtre qui est parvenu à monter l’Agora de la danse à partir de rien. Il décide finalement de retourner aux études à la fin des années 1990 et obtient une maîtrise en création littéraire. À ce jour, une dizaine de ses livres ont été publiés, contenant principalement de la poésie.

« L’autofiction se crée en même temps que l’on se raconte, ajoute M. Tremblay. C’est une prise de contrôle de soi. Avant j’étais dans un bureau mais ma personne me disait que je devais me mettre en scène. Je me suis alors redéfini en passant par l’écriture. » À l’occasion de cette conversation avec le public, l’écrivain a utilisé des passages de ses écrits pour illustrer la façon dont il est passé de la réalité à la fiction. « Ou bien on s’investit dans l’écriture, ajoute-t-il, ou bien on ne s’investit pas. Écrire l’histoire est le plus intéressant. » Auteur des romans Le Nickel Strange, Le Grand Livre, ou encore Le Langage des chiens, pour lequel il s’est inspiré de personnes handicapées et hautes en couleur croisées dans la rue, sa popularité ne se dément pas.

L’atelier se fera quant à lui par rapport à la présentation de la semaine dernière et consistera en des exercices de changement de nom de la personne qui raconte l’histoire, les différentes possibilités narratives et littéraires qui s’y rattachent. « Quand on parle de soi, tout ce que l’on voit c’est le bout de son nez, explique Gaston Tremblay. Nous essaierons de voir plus loin. »

À l’heure actuelle, l’auteur termine le livre de poésie D’amour et de turbulences, motivé par le décès de son fils, et qui sortira en février 2016.

Photo: Bibliothèque publique de Toronto

Auteur: Sylvain Charbit pour LE METROPOLITAIN