Omnia Vincit Amor

Enfin, me revoila.

Après six mois de silence, d’absence, ma voix s’élève comme les bourrasques du blizzard qui tourne autour de l’édifice, je profite de cette journée de neige pour relancer l’écriture du troisième volume de mon Grand Livre.

En pleine pandémie…

AVANT-PROPOS
Des syllogismes et des consignes

Plusieurs opposants au port du masque et à la vaccination contre le covid se défendent en affirmant que les consignes sanitaires de l’État sont des empiètements de la majorité sur les droits de la minorité et plus particulièrement sur la liberté des individus. Cela est peut-être vrai aux États-Unis (j’en doute, comme nous le verrons), mais dans la francophonie les choses sont tout autres.

Photo : André Tremblay, 2006
PHOTO : André Tremblay 2006

Au Québec, « On se souvient », une devise que j’ai eu souvent à expliquer et même à défendre devant des amis français en visite. C’est toujours gênant de justifier notre nostalgie collective pour la France de l’Ancien Régime où il y a eu autant de despotes que de rois magnanimes ! Ce qui est intéressant s’est de se pencher sur les solutions que ces communautés ont appliquées.

La France a eu ses révolutions tranchantes, les Canadiens français ont eu leur révolution tranquille… patiente et à l’anglaise. Les Francos-Ontariens ont eu leur révolution sereine… confortable et faste à l’américaine. Notre « nationalisme » gaulois s’est mué en solidarité, pour mieux s’opposer à « l’autre ». Mais la réalité est toujours aussi tranchante : la minorité propose, la majorité dispose : ici comme ailleurs, la solidarité est le seul bouclier qui puisse assurer une certaine sécurité et la survie des minorités.

En France, les révolutionnaires ont fait table rase, ensemble ils se sont donné un nouveau crédo, un syllogisme de trois mots unaires : Liberté, Égalité, Fraternité. Ce sont tous des mots qui ne disposent que d’une place possible dans l’énoncé, qui ne font partie que d’un seul argument. Les majuscules me semblent essentielles, comme dans les cas du « We the People » du préambule de la constitution américaine. Dans la déclaration d’indépendance, le mot Liberty a été apposé à un élément fondamental de l’humanité : life, la vie elle-même.

« We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness. »

Malheureusement, dans cette déclaration, le principe d’égalité qui est essentiel pour assurer la liberté des uns et des autres a été relégué aux oubliettes de l’esclavage. Depuis, une plaie suppure dans la vie sociale et morale des États-Unis.

Dans le syllogisme français, les prémisses s’opposent. Oui, l’individu est absolument libre dans l’absolu, mais seulement si son voisin l’est également. Si toutes les personnes sont égales, elles ont, en liberté, les mêmes droits et, fraternellement, les mêmes devoirs : la liberté de l’un est contiguë à celle de l’autre… à celles des autres dans leur multitude. Pour bien réconcilier ces deux prémisses unaires et absolues, il doit y avoir une conclusion logique et organique : la fraternité qui est fondée sur l’empathie est nécessairement vivante et, de surcroit, elle est inscrite dans la chair des individus.

Non, le port du masque n’attaque pas la liberté individuelle. Bien au contraire, ce geste l’étaie, car la liberté s’exerce fraternellement… en communauté. Le port du masque est une main tendue, c’est un geste bienveillant envers l’autre, envers ses voisins.

Cela est d’autant plus important au cœur d’une pandémie mortelle, là où même la survie de tout un chacun est interdépendante. Là où la multiplicité des solitudes rencontre la solidarité, là où la parole passe de l’écriture à la lecture, de l’un aux Autres. Tendre le bras pour accepter un vaccin est le premier geste d’un acte d’amour.

Ceci est mon corps, ceci est ma main, ceci est ma parole qui passe de mon âme à la vôtre.

Omnia Vincit Amor.

L’écriture, comme la vie en communauté, est un acte de solidarité. Surtout en minorité, là où la rentabilité sociale ou économique n’est qu’un mirage, là où le lectorat est laissé en plan dans un désert médiatique. Croire en moi qui suis seul dans ce pays, croire en nous qui sommes isolés dans cette Amérique… et croire en notre volonté de communier par la lecture, c’est appréhender le monde solidairement pour vivre pleinement.

« Un son de cloche ne dit pas notre chanson
Sa distance et son courage
Aujourd’hui sans boussole pour nous guider
On se lance à l’abordage »
Paul-André Paiement
CANO Musique

Je suis libre, vous êtes libres, nous le sommes…

Le port du masque,
une expression de la fraternité française !

Plusieurs opposants au port du masque se défendent en suggérant que les consignes sanitaires de l’État soient des empiètements de la majorité sur les libertés de la minorité et plus particulièrement sur celle des individus. Cela est peut-être vrai aux États-Unis (j’en doute, comme nous le verrons), mais dans la francophonie les choses sont tout autres.

Au Québec, « On se souvient », un concept que j’ai eu souvent à expliquer a des amis français en visite. Comment peut-on se souvenir, être de nostalgique pour la France de l’Ancien Régime où il y a eu autant de despotes que de rois ?

La France a eu ces révolutions sanglantes, nous avons eu notre révolution tranquille… à l’anglaise. Et les Francos-Ontariens ont eu leur révolution sereine. En Amérique, notre « nationalisme » gaulois s’est mué en solidarité, pour mieux s’opposer à « l’autre ». La minorité propose, la majorité dispose, la solidarité est la seule proposition qui puisse assurer la survie des minorités.

En France, les révolutionnaires ont pu faire table rase, ensemble ils se sont donné un nouveau crédo, un syllogisme de mots unaires : Liberté, Égalité, Fraternité. Les majuscules me semblent essentielles, comme dans les cas du « We the People » dans le préambule de la déclaration d’indépendance américaine. Malheureusement, cette déclaration ne contient que des variantes des deux derniers mots ; la première prémisse, la liberté ayant été reléguée aux oubliettes de l’esclavage.

Ici, les prémisses s’opposent. Oui. Je suis absolument libre, mais mon voisin l’est également. Si toutes les personnes sont égales, elles ont, en liberté, les mêmes droits et, fraternellement les mêmes devoirs. Donc, la liberté de l’un est contiguë à celle des autres. Pour bien réconcilier ces deux prémisses lunaires et absolues, il doit y avoir une conclusion logique et organique, et la fraternité est nécessairement vivante et, de surcroit, inscrite dans la chair des individus.

Non, le port du masque n’attaque pas la liberté individuelle. Bien au contraire ce geste l’étaie, car la liberté s’exerce en communauté. Le port du masque est une main tendue, c’est un geste bienveillant envers son voisin. Cela est d’autant plus important au cœur d’une pandémie mortelle, là où la santé et même la survie de tout un chacun sont interdépendantes.

Unaire : Selon le Larousse, adjectif. « Se dit d’un élément logique qui ne dispose que d’une place possible, qui ne peut avoir qu’un seul argument. »

Des personnages et des personnes

Depuis quelques mois, je visionne à la télévision des films « classiques »… enfin de vieux films américains qui datent de l’âge d’or des États-Unis d’Amérique, bien avant que Bush-fils et Trump l’avilissent complètement. Je qualifierais mon assertion par une seule proposition, contrairement à Trump Bush-fils n’était pas raciste.
Selon la fiche IMB, qui lui accorde un 1 pour la qualité, High Noon (1952) est le meilleur des deux films dont j’aimerais vous parler. Il s’agit d’un western tourné dans un petit village construit sur un lot de studio de cinéma qui brille comme une supernova dans le ciel noir et blanc des années cinquante. Même aujourd’hui, 75 ans plus tard, Gary Grant et le personnage de son épouse sont les héros incontestables de ce film, car tous les autres personnages sont des lâches ou tout simplement des malfrats qui, dans les temps modernes, s’aligneraient certainement derrière Trump. À voir, par la qualité de son scénario et de sa 12_angry_mentrame sonore qui rythme la trame narrative comme un tambour dans une galère romaine.

Si le deuxième film ne récolte qu’un « 2 » dans sa fiche IMB, Twelve Angry Men (1957) est devenu en 2019, étant donné l’impact des agissements de Donald Trump, beaucoup plus pertinent que le film de Gary Grant. Ce scénario, 1954, fut premièrement écrit pour une production de téléthéâtre, pour être ensuite adapté pour le cinéma (1957) et pour le théâtre sur Broadway. La popularité de cette histoire dans les années cinquante nous laisse entrevoir une Amérique qui était déjà grande, si ce n’est pour le consensus qui s’établit dans la salle de jury, et dans le pays, par rapport au racisme flagrant qui défigure le personnage de l’un des juristes qui aurait pu, autrement, être le vénérable vieillard de l’ensemble. La scène de résolution de ce conflit est de toute beauté.

Enfin, aux trois règles du théâtre classique, un seul temps, un seul lieu, une seule action, s’ajoute une quatrième règle : un seul genre humain. Il n’y a pas une seule comédienne sur ce plateau. Certes, on fait allusion à une femme qui témoigne pendant le procès, mais son personnage est beaucoup plus intéressé par l’apparence de sa personne que par sa responsabilité de dire la vérité. Elle n’hésite pas à témoigner pour se mettre en valeur, comme Shirley-Ann Conway devant la maison blanche ce qui contraste avec le comportement courageux de l’épouse dans High Noon.

Je ne vous en dis pas plus, car il y a plusieurs autres trouvailles et bijoux dans ce film. Je vous recommande ce film,  car il dépeint ce qu’était la grandeur de  l’Amérique when it was really great.

Bon cinéma.

De la mort d’un ami

L’an prochain, à l’automne 2020 les membres de la troupe de l’Université Laurentienne célébreront le 50e anniversaire de la création de la pièce Moé j’viens du Nord ’stie et quelques mois plus tard le 50e de la fondation du Théâtre du Nouvel-Ontario.

Claude Belcourt
Claude Belcourt, 1949-2019

J’ai lu dans Terre des hommes de Saint-Exupéry un passage qui nous parle de ce que nous avons vécu depuis cinquante ans dans la Coopérative des Artistes du Nouvel-Ontario. Cela est particulièrement important parce que nous avons célébré samedi dernier la carrière de Robert et, en ce dimanche, la vie de feu notre ami, Claude Belcourt cette fin de semaine.

« Liés à nos frères par un but commun et qui se situe en dehors de nous, alors seulement nous respirons et l’expérience nous montre qu’aimer ce n’est point nous regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction. Il n’est de camarades que s’il s’unissent dans la même cordée, vers le même sommet en lequel ils se retrouvent. […] Nous nous divisons sur des méthodes qui sont les fruits de nos raisonnements, non sur les buts : ils sont les mêmes. »

Pendant ces cinquante années, nous avons perdu plusieurs de nos amis. Les poètes ne sont pas des métaphores, ils naissent, ils vivent et malheureusement… ils meurent ; et les survivants les pleurent. Écrire un éloge funèbre est le privilège des vivants, on se rappelle à la mémoire feu nos amis, la mort d’une personne nous vivre la fragilité de nos poumons et la fébrilité de notre cœur.

Il faut se souvenir de nos morts, et aimer ceux qui poursuivent le chemin à nos côtés

À la mer… de l’amer…

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Le Grand Livre…
Volume 2, le 13 février 2019

Il neige depuis deux jours…
Pendant les derniers mois de ta vie, sachant que les choses allaient mal pour toi, je signais mes courriels en écrivant « Ton père qui t’aime depuis toujours et pour toujours ».
Je me rappele le jour de ta naissance, tu es apparu dans la pouponnière comme un petit homard à l’envers. La garde te lavait en te tenant, à bout de bras, par les talons. Elle t’a enrobé, t’as mis un petit chapeau, je t’aimais déjà… sans condition. Je ne savais pas exactement comment te le dire, je ne l’ai jamais sus, mais je sentais que je devais être là, car, à l’époque, c’est devant la fenêtre panoramique de la pouponnière que les papas « attendaient » paisiblement que le fruit de leurs entrailles soit livré. Ils avaient alors la vie facilement, the labor was done elsewhere.
Le « depuis toujours » est fini, et maintenant je suis dans le « pour toujours », même si tu n’es plus. À chaque fois, que je vois une relation difficile entre un père et un fils à la télé, au cinéma, ou que je la découvre dans un bouquin ou dans le dramatique du réel… je pleure.
Maman avait raison, perdre un enfant, c’est une petite mort… qui est là pour toujours. La perte est toujours présente, la douleur s’éveille facilement, et les larmes viennent d’elles-mêmes… J’ai mal à mon âme.
Depuis toujours et pour toujours.
En fait, je n’ai pas dit toute la vérité, avant de pleurer j’ai habituellement une abréaction, ensuite sans voir venir je crie ton nom, à pleins poumons… Ton nom qui résonne sur les murs de mon appartement appelle mes pleurs, comme les cris d’une mère qui apprend la mort de son enfant. Je suis seul, donc cela ne dérange personne. Je pleure d’autant plus. Normalement, les papas n’ont pas d’abréactions, les grands garçons ne pleurent pas, et pourtant… c’est ainsi.
Depuis toujours et pour toujours.

Mémoire livresque (50 ans plus tard)

Le Grand Livre, volume 34,
le 11 septembre 2018

Perdu dans le temps, entre nuit et jour, ma conscience passe lentement du sommeil et l’éveil. Voilà que le vieillard que je suis devenu flotte au-dessus de son lit, pendant que la première plage musicale, « ParceOfficium mi domine », du disque Officium (Jan Gabarek, The Hilliard Ensemble) me berce dans ses bras grégoriens, m’indique la direction dans laquelle je dois nager pour retrouver ma pleine conscience. Pourtant, je préférerais rester ici, entre loup et chien, là où l’on n’a pas honte de ce que l’on ressent, de ce que l’on vit, de ce que l’on désire.

J’écris dans le temps qui se plie au passage d’un astre, quelque part entre les années 70 et aujourd’hui, le revenant de Nixon et l’esprit égaré de Trump se croisent dans les corridors de la Maison-Blanche. Pour ma part, devant cette page virtuelle, Fred, je sens le besoin de te dire que ta lettre au rédacteur n’est pas passée dans le vide. Je ne n’avais que 20 ans, je croyais être en amour pour la première fois — But, I was Just in Lust — c’est là que ton cri féministe et viscéral est venu me chercher, là où je ne pouvais pas parler, de peur d’offenser les gars. J’aurais voulu de répondre… Fred, te dire que tu étais belle, dans ton corps comme dans ton esprit, mais le petit macho que j’étais could not utter a single word.

Mes mots de silence flottent au-dessus de la table de mise en page de verre aussi opaque que translucide, là où les mains virtuelles des étudiants collaient tes mots dans la cire chaude étendue sur le carton de montage de la page éditoriale. Tes mots qui à l’époque m’ont tellement perturbés — tes mots m’interpellent toujours — mais j’ai alors préféré rire entre les marges de la réponse cinglante du rédacteur. C’est la loi du moindre effort qui s’est imposée.

Hé, Fred, à l’époque les femmes n’avaient pas le droit de déranger l’ordre établi. Mais cela ne t’a pas empêché de partager ta vision d’un Nouveau Monde.

Pour toi, se taire aurait été plus facile, ton message a été un coup de couteau dans la chair de ma réalité et de notre existence. Cette nuit, pour quelques éclisses de Time Warp, 1970 est devenu 2018, le vieil homme que je suis a finalement compris que ta lettre féministe s’ouvrait sur le futur, sur la page du présent sur laquelle j’écris aujourd’hui, tandis que la réponse du rédacteur était et est restée accrochée dans les oubliettes du passé antérieur… heureusement.

Parce mi domine, pardonnez-moi Seigneur, car j’ai péché comme tous les autres hommes de ma génération. En ce moment de l’Histoire où le machisme des idiots à la Trump-Ford-Putin domine l’Amérique, il est de plus en plus important de le dénoncer, de peur que l’on retourne à nos anciennes manières.

Sois vigilente Fred, mais que dis-je, tu l’as toujours été.

Un apologue utile

La_parole_de_SocrateLes trois tamis

Un jour, un homme vint trouver le philosophe Socrate et lui dit : – Ecoute, Socrate, il faut que je te raconte comment ton ami s’est conduit.

– Je t’arrête tout de suite, répondit Socrate. As-tu songé à passer ce que tu as à me dire au travers des trois tamis ? Et comme l’homme le regardait rempli d’étonnement, l’homme sage ajouta : – Oui, avant de parler, il faut toujours passer ce qu’on a à dire au travers des trois tamis. Voyons un peu ! Le premier tamis est celui de la vérité. As-tu vérifié si tout ce que tu veux me raconter est vrai ? – Non, je l’ai entendu raconter et… – Bien, bien.

Mais je suppose que tu l’as au moins fait passer au travers du deuxième tamis, qui est celui de la bonté. Ce que tu désires me raconter, si ce n’est pas tout à fait vrai, est-ce au moins quelque chose de bon ? L’homme hésita puis répondit : – Non, ce n’est malheureusement pas quelque chose de bon, au contraire…

– Hum ! dit le Sage, essayons de nous servir du troisième tamis, et voyons s’il est utile de me raconter ce que tu as envie de me dire… – Utile ? Pas précisément…

– Alors, n’en parlons plus ! dit Socrate en souriant. Si ce que tu as à me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfère ne pas le savoir, et quant à toi, je te conseille de l’oublier…

Apologue∗ du philosophe grec Socrate (Ve-IVe siècle avant notre ère)

(Un apologue est une courte fable avec une morale)

Topo-Gigio, la réalité et une peinture de Goya

Ce soir, jour de la Saint-Valentin, j’ai délaissé les ondes de l’American-Live-TV pour regarder Crazy-Heart, un film de musique western.
Pour moi les États étaient les pays de Walt Disney, de la cabane du Shaggy Dog, de la maison de billes de Daniel Boone, de Rintintin et de Lassie. C’était aussi la section de journal des bandes dessinées de Mickey Mouse, de Donald etTopo ses trois petits neveux, des programmes de Lucille Ball, d’Ed Sullivan et de son ami Topo Gigio.
C’était le pays des oranges à l’époque où les oranges étaient rares en hiver. C’était un pays magique, celui d’Elvis Presley qui chantait Crying in the Chapel en noir et blanc.

« America the beautiful.
The land of the free and the brave »

Et le paradis n’est plus, c’est le déclin de l’empire américain dans le grand colisée américain, les nouvelles de six heures, en direct et ensanglantées. La place publique  dans ce qui est maintenant le pays des adultes qui tuent leurs propres enfants pour vendre quelques fusils de plus, dans celui des politiciens qui se font graisser la patte par la NRA afin de se payer des publicités publicitaires aussi violentes que fausses. In order to win no matter the price.
Une maman qui s’en allait prendre ses enfants à l’école s’est arrêtée pour parler à une journaliste, elle n’arrivait pas à dire quoi que ce soit de cohérent, la situation étant pour elle tout à fait surréelle. Meanwhile back at the television ranch, Phillip Mud, un ancien agent FBI, éclate en sanglot, est incapable de continuer à commenter les nouvelles! « I cannot do this anymore », s’écrie-t-il en faisant allusion à toutes les tueries depuis quelques années.
CNN tente d’élucider le pourquoi, la raison profonde de toutes ces attaques en parlant à des psys, à des prêtres, à des témoins, à des victimes. Ils ne veulent pas comprendre que ce ne sont pas les individus qui sont malades, que c’est plutôt le pays tout entier. Rappeler vous lu film Apocalypse Now, c’est la meute sanguinaire qui était terrifiante.
J’ai gardé des souvenirs forts de mon premier voyage en Espagne. Le plus frappant pour moi fut les deux salles dédiées aux œuvres de Francisco Goya dans le musée Musée  Prado. Le tableau de Vénus qui mangent un de ses fils m’a littéralement renversé, et même 30 ans plus tard, il m’apparait comme la parfaite métonymie de l’Amérique de Donald Trump.

150px-Francisco_de_Goya,_Saturno_devorando_a_su_hijo_(1819-1823)

Gaston en enfer

Man in the Machine

Je me targue d’astevevoir lu tout l’œuvre de Jean Éthier-Blais, qui fréquentait mes parents quand ils étaient adolescents dans le village de Sturgeon Falls, en Ontario. C’est une œuvre magistrale, dont un passage reste gravé dans ma mémoire.
« J’aime regarder par la fenêtre. » […] Est-ce, dans une fenêtre, le paysage qui m’attire ou bien la vitre ? Est-ce par-delà le verre, mon image qui, soudain, lorsque je bouge, m’apparaît ? […] Et lorsque je j’écris que « J’aime regarder par la fenêtre », ne veux-je pas dire que c’est en moi que j’aime plonger les yeux du rêveur ? »

J’ai vu, sur Netflix, un film documentaire intitulé, Steve Jobs : The Man in the Machine. Deux longues heures : « longues », car il y a des passages difficiles même pour une personne qui n’aime pas cet homme et encore moins ses machines. Soyons clairs ! Nous ne pouvons pas faire l’oraison funèbre de Jobs sans reconnaître les immenses talents, la créativité exubérante, de ce visionnaire et sans admirer la beauté, l’ampleur et l’importance de son œuvre.
Qu’il fût un homme difficile à vivre est un secret de polichinelle. Le mauvais traitement qu’il a réservé à sa première compagne lorsqu’il a appris qu’elle était enceinte, celui qu’il a imposé à sa fille Lisa qu’il ne voulait pas reconnaître, le refus de reconnaître à leur juste valeur les contributions des cofondateurs de Apple en témoignent. Ce document passe rapidement sur ses agissements bien connus afin de mieux soulignés l’ampleur de ses comportements organisationnels aberrants : son refus catégorique qu’Apple fasse des contributions philanthropiques, sa participation à des conditions de travail qui s’apparentent à l’esclavage en Chine, son refus de reconnaître la responsabilité de Apple pendant et après une vague de suicides dans les manufactures de ses sous-traitants chinois, le détournement systématique des profits de Apple vers deux petites entreprises bidon irlandaises qui n’ont presque pas d’employés, une poursuite enragée contre un journaliste qui a trouvé un prototype d’un nouveau téléphone Apple dans un bar, des contrats de travail manichéens qui interdisaient à ses employés de chercher et d’accepter du travail ailleurs, la collusion qu’il a dirigée dans Silicon Valley pour mieux contrôler ses employés. Et à la fin du film, le cinéaste suggère que plus son cancer avançait, plus il s’acharnait contre ceux qui s’opposaient à lui.
Le rideau tombe sur ce film lorsqu’une scène nous fait voir le visage émacié de Jobs réfléchi sur un écran d’IPAD. Une image qui se transforme pour nous laisser apercevoir celui du narrateur qui dit premièrement « Qu’est-ce que cette machine nous dit au sujet de l’homme qui est dedans » pour ensuite nous donner le coup de grâce de son film « Qu’est-ce que ses machines nous disent au sujet des consommateurs qui les achètent ».
Le coup est bien porté, car la mission que le cinéaste s’est donnée est d’expliquer la vague d’amour qui a déferlé sur le monde à l’annonce de la mort de Steve Jobs, car le succès de Jobs est dû à la popularité de ses produits malgré les comportements de leur créateur.
L’œuvre de Jobs est magistrale, mais le prix à payer pour tous ses produits jetables est très élevé, pour ceux qui l’ont connu et pour ceux qui l’ont appuyé.

Pieds nus dans l’aube, maintenant le film

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Il s’agit d’une adaptation pour le grand écran de Francis Leclerc du roman de son père, Félix Leclerc.

Mon exemplaire de ce roman est le seul prix d’excellence que j’ai reçu au collège du Sacré-Cœur. C’était le volume approprié pour récompenser un premier de classe en religion, car tous les principes de la doxa canadienne-française du vingtième siècle y foisonnent, comme autant de feuilles d’érable en automne.

Relire ce roman 2017 a été une expérience tout à fait différente de celle de l’adolescent de quatorze ans que j’étais en 1963. Ce qui fut alors un acte de confirmation de l’univers que j’appréhendais devint, à la deuxième lecture, un voyage nostalgique dans le temps, un acte d’immersion totale dans un monde où toutes les vérités de la vie se révélaient au fil de l’année liturgique, comme autant de feuillets dans une bible illustrée.
Si la vie était belle, c’est qu’elle était simple. Un homme éduqué avait réussi cum laude ses huit années de cours classique : il était avocat, médecin, politicien ou encore un homme de Dieu. Les plus téméraires d’entre nous se faisaient artistes ou encore… écrivains. J’ai relu ce roman avec des larmes à l’œil, ce fut triste de voir le paradis terrestre de deux préadolescents se défaire au rythme de leur conversion à la réalité. Ce passage de l’enfance à la maturité pivote autour de plusieurs thèmes et images réalistes : l’adultère, le suicide, la guerre, la pauvreté extrême des uns et la trop grande richesse des autres et l’âpre blancheur de l’hiver et les fastes couleur de l’automne canadien. Le film se termine sur un Te Deum chanté par la belle voix gavroche du jeune Justin, le comédien qui joue le rôle Félix et, en contrepoint, par la narration d’un passage du roman par le vieillard qu’est devenu l’auteur, qui de sa voix de basse, rauque et chaleureuse narre les dernières pages de son roman.

Le rythme, la musique, le passage d’un tableau à l’autre, le jeu des comédiens : tout est sobre comme dans le roman de Leclerc. On a impression que l’auteur du roman nous fait faire un tour guidé et rythmé de plusieurs tableaux vivants qui se déroulent encore dans son île d’Orléans. La seule extravagance est la nature laurentienne elle-même qui semble surréelle dans sa grandeur toute naturelle, les prises de vues dans les scènes qui se déroulent au Canton Mayou sont époustouflantes. D’ailleurs, cette nature plus grande que nature est un des éléments qui tissent en une seule toile de fond tous ces tableaux qui, dans le roman, sont divisés en deux parties et plusieurs chapitres. Ici, le fils a su mettre en valeur, grâce aux images de son médium des liens, qui dans le roman de son père ne sont pas tout à fait à point.

Justin Leyrolles-Bouchard, le jeune « Félix » semble un peu obnubilé par la légende autour du personnage qu’il interprète ; de ce fait, sa prestation me semble un peu trop retenue tandis que Julien Leclerc, qui incarne Fidor, le meilleur ami de « Félix », nous présente un « Gavroche » des plus décontracté. Roy Dupuis, qui nous a fait connaître à plusieurs reprises des personnages masculins débridés se fait remarquer dans ce film par la sagacité toute tranquille de la virilité de son personnage. Son « Léo » est un papa qui sait aimer, diriger et commander ses enfants, qui sait leur donner des responsabilités, qui sait abattre son cheval quand c’est nécessaire et qui sait pleurer quand sa personne intime l’exige.

Tout compte fait, j’ai préféré ma deuxième lecture, celle de 2017 à la première de 1963, car elle m’a fait revivre des choses que j’ai vécues plusieurs fois ; tandis qu’en 1963, je ne pouvais que deviner ce qui m’attendait dans la vie. Et, surprise, j’ai préféré le film au roman parce que l’unité d’images, de thèmes, de musiques, et jeux des comédiens est plus forte que dans le roman.

Post scriptum: je suis allé voir ce film avec mes deux neveux de 11 ans. Ils m’ont posé peu de questions, ils ne se sont pas ennuyés, bien au contraire ! Cette histoire a bien vécu le passage du temps.