Derrière le rideau de scène Le volume 2 de la trilogie du Grand Livre
Le lancement du roman Derrière le rideau de scène, le deuxième volume du Grand Livre de Gaston Tremblay, aura lieu dans le cadre du Salon du Livre du Grand Sudbury. L’évènement se déroulera dans la toute nouvelle Place des Arts du Grand Sudbury le jeudi 5 mai 2022, à 15 h. Le lancement sera suivi d’une présentation du Théâtre du Nouvel-Ontario pour célébrer la publication des Nouveaux Contes sudburois urbains de l’Atelier manifeste, dont « Aimé le mal-aimé » de Gaston Tremblay.
Le premier volume du Grand Livre, publié en 2012, est la continuité des deux premiers romans de l’auteur. Le Nickel Strange (2000) et le Langage des chiens (2002). Il est aussi un retour à la case de départ, au journal de deux adolescents, Albert et Paul-André, qui écrivaient à tour de rôle des confidences dans un journal qu’ils partageaient, dans ce qu’ils appelaient leur grand livre. Si la trame narrative principale du premier volume se déploie sur une quinzaine d’années, de 1953 à 1968, c’est aussi à partir du présent de l’écriture 2004-2011 une rétrospection sur le suicide de Paul-André en 1978. De plus, grâce aux multiples apartés, c’est un commentaire du métier d’écrivain au vingt et unième siècle. Ce qui semble être à première vue un roman polyphonique à plusieurs voix n’est en fait qu’une seule voix narrative qui se déplace d’une décennie à l’autre, de l’enfance à l’adolescence des personnages, d’un personnage à l’autre.
Ce que le lecteur pressent dans le premier volume du Grand Livre advient dans la trame narrative du deuxième volume. Le Canada français traditionnel éclate, ses institutions culturelles se recentrent sur le Québec et les francophones de la diaspora sont laissés à eux-mêmes. Dans « Le rideau de scène », le lecteur retrouve les deux mêmes protagonistes : Paul-André et Albert. Mais, leur journal intime n’est plus le lieu de leur rencontre comme il l’était en 1967. Cette fonction s’est déplacée sur la place publique, sur les planches de la Troupe universitaire et dans les pages du journal des étudiants de l’Université Laurentienne plutôt que dans les confidences confinées de deux jeunes adolescents. Ils sont devenus de jeunes hommes qui cherchent leur place dans l’espace social du Nouvel-Ontario, et plus précisément dans le vacuum social et culturel du Nouvel-Ontario, là où tout est à faire.
Dans ce deuxième volume, le lecteur est « téléporté » en 1970 : au moment où un profond malaise social ébranle les étudiants de l’Amérique. La trame principale se déploie en continuité avec celle du premier volume, mais l’influence de la contreculture nord-américaine exige une approche un peu plus loufoque, et même carnavalesque comme l’étaient plusieurs personnages artistiques des années 1970. Comme dans le premier volume, la trame narrative est interrompue et ponctuée par des interventions du narrateur et des autres personnages.
Les apartés du narrateur dans le deuxième volume, Derrière le rideau de scène (2022) sont aussi intimistes que ceux du premier Grand Livre de 2012. Étant donné l’importance des changements sociaux qui s’opèrent dans les années soixante-dix, une attention particulière est apportée à la mise en relief des ruptures et des fissures qui déchirent le tissu social des Canadiens français de l’époque. Dans les dernières pages du deuxième roman, un groupe de comédiens de la Troupe de l’Université Laurentienne fondent le Théâtre du Nouvel-Ontario au printemps de 1971.
« Oui viens nous voir On t’attend »
Prise de parole, 359-27, rue Larch Sudbury, Ontario P3E 1B7
EN BREF : Lancement : Derrière le Rideau de scène Sous-titre : volume 2 du Grand Livre Auteur : Gaston Tremblay Date : le jeudi, 5 mai 2022 de 15 à 16 h. Lieu : Place des Arts du Grand Sudbury Éditeur : Prise de parole Écrivez-moi, je vous enverrai une invitation personnalisée ! Info : Gaston.at@outlook.com
Je suis de ceux qui se sont cachés sous leur pupitre d’écolier pour échapper
aux affres de la Bombe A.
Je m'en souviens, comme si c'était hier.
À ce moment-là, maman a acheté un appareil « stéréo » pour le salon, car
elle aimait beaucoup la musique. Je n'avais pas encore treize ans. Je ne
comprenais pas pourquoi elle faisait une si grande dépense étant donné les circonstances.
Je croyais que nous
allions, mes amis et moi, être calcinés sous nos pupitres, ou encore,
que nous (mes sœurs, ma mère et moi) allions être incinérés sous l'escalier du
sous-sol.
Maman ne m’a pas donné de réponse à ma question. Elle a acheté l’appareil et
le vendeur lui a offert en prime un disque « stereo-sampler » que nous avons
surnommé le « péteux » car c’était une démonstration des effets stéréophoniques
de l’appareil par un groupe de joueurs de bongos. C’était épatant, cela faisait
rire mes petites soeurs ! Quelques années plus tard, je me suis acheté mon
premier amplificateur d’une série ininterrompue de chaines stéréophoniques de plus en plus puissantes.
Depuis, la musique, m’a aidé à écrire et à survivre à des moments très difficiles.
Cet homme n’a que réactivé un souvenir lointain.
Aujourd’hui, j’écoute la guerre en « surround sound », et cela me rappelle que nous ne sommes que de la cendre en puissance.
Cliquez ici-bas pour voir le commentaire de Lawrence O'Donnell de MSNBC au sujet du No fly Zone en Ukraine!
FRANCOPRESSE – ll y a 50 ans, la Troupe de théâtre de l’Université Laurentienne de Sudbury créait l’œuvre collective Moé, j’viens du Nord, ‘stie. Ce texte qui résonne encore aujourd’hui en Ontario français a non seulement mené à la création du Théâtre du Nouvel-Ontario, il a aussi marqué l’affirmation de la culture francophone nord-ontarienne.
De gauche à droite: André Paiement (Roger); Gaston Tremblay (Marc); Denis Courville (Raymond).
En pleine contreculture
Automne 1970, un groupe d’amis passionnés de théâtre quitte Sudbury en direction de Toronto pour voir la comédie musicale Hair et le film 2001, A Space Odyssey. Ils sont impressionnés par l’exubérance de l’une et par les effets visuels de l’autre ; ils en reviennent inspirés.
« En tout cas, je m’appelle Roger. Mes chums, y m’appellent Rog. J’ai 18 ans pis j’suis né icitte à Sudbury, en plein Nord-Ontarien… Ha, ha! It’s great to be a Northerner. »— Extrait de Moé, j’viens du Nord, ‘stie
Pour lire l’article, cliquez sur l’hyperlien : ici-bas !
Au Canada, plus particulièrement au Québec, le docteur Arruda parle d’un relâchement de notre discipline solidaire.
Il n’est pas nécessaire d’être médecin pour faire ce constat.
Une course à l’épicerie IGA suffit.
Il y a de moins en moins de gens qui portent le masque.
Le docteur Arruda parle des conséquences, il a raison de nous avertir.
Les États-Unis sont en train de perdre le contrôle de la pandémie, 130 000 morts.
À cause d’un manque de discipline, mais pas celle de la population, mais plutôt celle du gouvernement Trump.
Rendre les masques obligatoires dans les transports en commun et dire du même souffle qu’il n’y aura aucune conséquence à le faire est contreproductif.
Cela donne l’impression aux gens qu’ils ont le DROIT de faire n’importe quoi.
Le gérant du IGA de mon quartier à peur d’être poursuivi, il laisse entrer tout le monde et blâme le gouvernement de ne pas être suffisamment clair.
Nous avons réussi à réduire les effets de la pandémie, pour le moment…
Nous avons collectivement identifié les services essentiels, il faut maintenant imposer le port du masque dans tous les services essentiels.
Nous avons tous le droit de traverser une intersection sans être écrasés par un chauffard.
Nous avons tous le droit d’aller à la pharmacie, à la quincaillerie, à l’épicerie, à l’hôpital sans être infectés.
C’est la responsabilité du gouvernement protéger les droits de tout un chacun.
Dans mon quartier, ce sont les « sans soucis » qui ont le haut du pavé.
C’est au gouvernement de prescrire les bonnes actions et de proscrire les fausses libertés.
C’est le temps d’agir.
Postscriptum : En regardant Fareed Zakaria, j’ai été amené à faire la différence entre la démocratie et l’autocratie, dans le contexte de la pandémie. Pour moi la différence entre l’essentiel et non essentiel est claire, mon critère de différenciation est ce qui est nécessaire à la survie d’un individu, surtout dans le contexte des grandes villes, les lieux de prédilection du Virus. On a besoin de manger, de se loger, d’avoir accès à des services médicaux, à des sources d’information d’information, et les gouvernements ont tenu compte du besoin de relaxer: donc le câble, la société des alcools et la marijuana. Dans ces cas, et les autres essentiels que je ne mentionne pas, le gouvernement a la responsabilité d’exiger le port du masque. Pour le reste, il doit respecter tous les droits des individus.
Lors d’une discussion téléphonique avec un ami de longue date, 50 ans c’est toute une vie, j’ai partagé avec lui un des rares avantages de la pandémie 2019-2020. En fait, je me suis aperçu que la majorité des gens réagissait mieux que dans le passé à un simple bonjour. Un petit sourire, nous vaut souvent un grand sourire et parfois un éclat de rire… surtout quand je prends le temps de leur dire (sans interrompre ma marche) :
« Profitons-en, car c’est tout ce qui nous reste ».
Denis m’a avoué qu’il avait fait le même constat, et qu’il avait écrit un texte, un poème, à ce sujet.
Je m’empresse donc de lui céder la parole.
Vaincre la solitude
Vaincre la solitude
les regards furtifs prolongent leur portée
les sourires timides comblent le vide
les salutations discrètes et silencieuses franchissent la distance prescrite
entre des étrangers qui se croisent
hésitants devant les trottoirs soudainement trop étroits
l’ennui s’installe comme une étole rassurante
sur les épaules du désespoir
le besoin de se toucher se reporte à un avenir pas assez rapproché
Je le partage avec vous, car ce philosophe a les deux pieds bien ancrés dans la réalité et les yeux rivé sur tout ce qui lui semble positif.
Normalement, je publie en français mais dans ce cas je n’ose même pas essayer de traduire le texte de peur de ne pas être à la hauteur de la situation.
« HAVE YOU NOTICED!!
We no longer go to the emergency for nothing?
Our credit cards are no longer soaring?
We take time with our children and our spouse?
We take time to talk to our friends on the phone?
We are more thankful for all that we have?
We have time to read?
We have time to clean up and do it with pleasure?
We are enjoying the fresh air outside?
We go to stores just once a week. Worse is…it is just for groceries?
We are not dying because the stores are closed on Sundays?
We are starting to think about buying Canadian products, even if it’s more expensive?
We start to think that having money in the bank is important?
Our children have no agenda, they can use their creativity and be children.
Parents realize the work of teachers?
We see the immense need for our health care workers?
We realize that as a country we can work together?
I just hope that after the crisis, we will remember all this, because usually we have because usually we have very short memories and we quickly return to our bad habits. »
Confiné, j’ai reçu cette chanson via l’Internet. Étant donné les circonstances, je la partage avec vous. Le texte de Bourvil est superbe, et tous ces artistes confinés lui font honneur. Je vous invite à visiter le site et surtout à écouter la symphonie, car elle est définitivement un baume pour le cœur.
« En ces temps difficiles, 45 artistes bloqués dans leur lieu de confinement se sont unis virtuellement pour proposer une Symphonie Confinée. Sous l’impulsion de Valentin Vander, ces chanteurs, chanteuses, musiciens et musiciennes vous présentent le clip du titre « La Tendresse ». C’est sous une version symphonique que ces artistes revisitent cette sublime chanson immortalisée par Bourvil en 1963. Le site Ma Musique Communautaire vous en dit plus dans cet article.
« Montrer que même en cette période de confinement imposé, une œuvre collective peut jaillir d’artistes des quatre coins de la France (et même d’ailleurs !). Mais également, pour apporter du baume aux cœurs à tous ceux qui, de près ou de loin, sont affectés par la pandémie de Covid-19. Cela démontre aussi que les artistes peuvent travailler ensemble à distance et enregistrer une vidéo à distance. Le tout, afin d’envoyer un message fort d’entraide, d’affection et de solidarité. Les enregistrements ont été effectués avec les moyens du bord. Le montage a duré une semaine entière et assuré par Julia Vander. L’intégralité de ce travail a été réalisée bénévolement. »
Ou alles sur YouTube : Symphonie confinée -La tendresse
On peut vivre sans richesse
Presque sans le sou
Des seigneurs et des princesses
Y’en a plus beaucoup
Mais vivre sans tendresse
On ne le pourrait pas
Non, non, non, non
On ne le pourrait pas
Valentin Vandère
On peut vivre sans la gloire
Qui ne prouve rien
Être inconnu dans l’histoire
Et s’en trouver bien
Mais vivre sans tendresse
Il n’en est pas question
Non, non, non, non
Il n’en est pas question
Quelle douce faiblesse
Quel joli sentiment
Ce besoin de tendresse
Qui nous vient en naissant
Vraiment, vraiment, vraiment
Le travail est nécessaire
Mais s’il faut rester
Des semaines sans rien faire
Eh bien… on s’y fait
Mais vivre sans tendresse
Le temps vous paraît long
Long, long, long, long
Le temps vous parait long
Dans le feu de la jeunesse
Naissent les plaisirs
Et l’amour fait des prouesses
Pour nous éblouir
Oui mais sans la tendresse
L’amour ne serait rien
Non, non, non, non
L’amour ne serait rien
Quand la vie impitoyable
Vous tombe dessus
On n’est plus qu’un pauvre diable
Broyé et déçu
Alors sans la tendresse
D’un cœur qui nous soutient
Non, non, non, non
On n’irait pas plus loin
Un enfant vous embrasse
Parce qu’on le rend heureux
Tous nos chagrins s’effacent
On a les larmes aux yeux
Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu…
Dans votre immense sagesse
Immense ferveur
Faites donc pleuvoir sans cesse
Au fond de nos coeurs
Des torrents de tendresse
Pour que règne l’amour
Règne l’amour
Jusqu’à la fin des jou
Je ne crois pas pour un instant qu’il y a eu une révolution sexuelle des années soixante ; ma génération n’était pas plus sexuelle que les précédentes. Tout de même… Soyons sérieux, car il est vrai que nous étions sans gêne, et, tout au moins, plus candides que nos aînés ! Notre audace a été perçue comme une effronterie par ceux qui détenaient les rênes du pouvoir. Même avec cinquante ans de recul, devenu un « vieux », je n’arrive pas à comprendre précisément pourquoi ma génération a choisi d’être aussi insolente, car ce fut un choix de génération.
Au Canada, à l’automne de 1962, This hour has seven days, passait à la télévision nationale le dimanche soir. Cette émission d’information a démocratisé l’information en « presque direct ». Les politiciens étaient en état de choc, s’ils faisaient une grosse gaffe au Parlement, elles étaient discutées et critiquées vertement à la télé le dimanche soir. Les reportages étaient ponctuels, percutants et dérangeants ! Les élus et même les électeurs s’y opposèrent ; on ne valorisait pas la transparence à cette époque, les animateurs furent congédiés et l’émission annulée au printemps de 1964.
La même année, Marshall McLuhan publiait son Understanding media : the extension of man dans lequel il proposait un slogan : The medium is the message ; c’est-à-dire que ce n’est pas la technologie ou le contenu des publications électroniques qui sont le véritable message, mais plutôt les changements que ces émissions suscitent dans la société, le « médium » dans lequel l’homme, l’ultime microbe, se développe. En bref, on reconnaît un arbre à ses fruits : si on introduit une nouvelle espèce séminale dans une forêt boréale c’est le nouvel équilibre des espèces dans la forêt, qui vingt ans plus tard, est le véritable message. Il en va de même de la forêt virtuelle des idées et des mœurs des hommes médiatisées.
Après la chute de la Nouvelle-France, l’élite française rentre en Europe et les Canayens s’adaptent à cette nouvelle réalité. Esseulés, les habitants se rassemblent autour de l’Église. En 1962, deux cents ans plus tard, les Canadiens français ruent dans les brancards. Un tsunami de changements sociaux et politiques emporte les décombres de la grande noirceur, les Québécois élisent les libéraux qui claironnent un slogan populaire : Maître chez nous. C’est la Révolution tranquille qui transforme le Québec, qui dans son altérité s’éloigne du Canada.
Comme au Québec, les structures sociales de proximité de la diaspora canadienne-française sont organisées autour des paroisses catholiques : les écoles primaires, les hôpitaux, les organisations de bienfaisances, la caisse populaire et parfois un collège — ou un couvent — et même une feuille de chou paroissiale. La société québécoise est tissée serrée, le vague du changement agit comme une déferlante, tout est renversé en moins de dix ans. Cependant, les Canadiens français de la diaspora canadienne n’ont pas le loisir de les imiter, car leurs gouvernements provinciaux sont sous le contrôle de la majorité anglophone. À l’extérieur du Québec, toutes les infrastructures des Canayens sont articulées autour du besoin fondamental des minorités : la survie de la francophonie à l’extérieur du Québec. Encadré dans une société civile plus fragile, les Canadiens français choisissent leurs batailles et avancent prudemment là où on leur permet.
Plutôt que le changement ou la prise du pouvoir, c’est le besoin de conserver les acquis qui animent la vie des minoritaires. On l’a déjà dit, l’ambition qui anime Paul-André et Albert est celle de devenir des hommes canadiens-français. Dans ce statu quo où les instances veulent absolument se maintenir en place, il n’est pas évident d’être insolent. Les révoltes, même symboliques, prennent une ampleur démesurée : intuitivement, les jeunes de la Troupe universitaire le savent, mais ils sentent le besoin de foncer, de s’inscrire dans la mouvance internationale du Baby-Boom, de surfer sur la vague de fonds de la Révolution tranquille au Québec. Bien encadrer ils proposent leur Révolution sereine, qui tient compte de l’importance des acquis et de la bonne chère.
L’interjection finale du titre de la pièce le « » stie » est une partie intégrante du parler vernaculaire des Franco-ontariens, mais imprimée sur une affiche ou chantée sur une scène d’école elle devient le cri de ralliement d’une jeunesse qui refuse désormais d’emboîter le pas. Ce juron et tous les autres blasphèmes qui pullulent dans les dialogues des comédiens de cette pièce sont autant de scandales sur les murs et les scènes des écoles secondaires du Nord de l’Ontario, dont les directeurs sont pour la plupart des religieux ou des bons pratiquants. Il en va de même pour le joual qui n’est pas apprécié par les surintendants des écoles séparées, l’un d’entre eux a même affirmé à la télévision nationale que ce sont les anglophones des cours d’immersion qui assuraient la survie du BON français à Sudbury. Ce n’est pas son désir d’enseigner le meilleur français possible qui est remarqué, mais plutôt son déni de la réalité nord-ontarienne qui en 1970 appelle les jeunes en mettre en scène le vrai parler de leur communauté.
Si les écarts de langage dans la pièce Moé j’viens du Nord ’stie sont tout simplement des insolences de la relève, la glorification de la consommation de la « booze » et de la « drogue » illégale — sans parler des relations sexuelles « libres » entre adolescents — sont des comportements définitivement scandaleux du point de vue des curés de paroisse et des directeurs d’écoles. Pour eux, les paroles de la chanson « Tenez-vous bien, on s’en vient » sont au-delà de toutes les bornes imaginables, en 1970 du moins, et méritent une intervention de famille.
Du pot du pot on fume du pot D’la booze, d’la booze, on boit d’la booze On fume du pot, on boit d’la booze On est des détraqués, fourrés Fourrés, fourrés
Que l’auteur de la chanson justifie ses écarts en établissant un parallèle entre les mœurs de son groupe et ceux de grands écrivains tels que Baudelaire, Verlaine, et Rimbaud ne convainc personne. Peu importe la source de l’inspiration, selon instance du pouvoir toutes ces effronteries de la troupe universitaire se sont mérité une censure certaine et même l’annulation d’un spectacle de tournée. Pourtant, ce sont des prestations timides comparées à ce qui se passe au Québec.
Choses certaines, les réactions du personnel enseignant du Nouvel-Ontario étaient à l’époque prévisibles. Alors pour quoi avoir fait cela ? Était-ce une simple crânerie, une fanfaronnade d’universitaires particulière du nord de la province ? En ce qui concerne les activités de la Troupe et plus tard de CANO, les membres de la Coopérative les artistes du Nouvel-Ontario évoquent souvent le « feeling » qui les animait. Nul ne saurait l’affirmer avec assurance, mais la contestation bruyante et dérangeante était tendance, aux États-Unis, en France, au Québec et quelque peu au Canada français.
Quoique tenu, il y a un lien thématique entre la famille sémantique américaine des « fuck, fucked et mother fucker » et la famille française des « con, connasse et connerie », mais ils sont tous deux très différents des litanies religieuses canadiennes-françaises. C’est comme si les Américains avaient une fixation maladive sur la pénétration violente — même de leur maman — et que les Français — qui se croient de très bons amants — sentaient le besoin, par ailleurs de ridiculiser ces actes en les affublant d’un nom ou d’un adjectif dérivé du substantif qui sert à décrire érotiquement le sexe féminin. Quant aux Canadiens, ils semblent vouloir maudire Dieu et toutes ses bondieuseries de les avoir condamnés au célibat absolu à l’extérieur du mariage, sauf évidemment pour l’acte de procréation.
Plutôt que de libérer les fidèles du joug puritain, le Concile du Vatican réaffirme la position de l’Église en ce qui concerne le célibat des prêtres et l’ABSTINENCE comme seul moyen de la régulation des naissances. De toute évidence, les clercs avaient une vision biaisée de la sexualité, qui ne correspondait pas du tout à la réalité empirique des fidèles. Inutiles de le dire, les collégiens se moquaient des prêtres, les plus jeunes s’amusaient à faire la déclinaison des Papes surnommés Pie 1, Pie 2, et ainsi de suite jusqu’à… À la queue leu leu, devant le confessionnal, les collégiens riaient aux éclats, comme des fanfarons, en comparant nombre de leurs péchés solitaires et « mortels ». Ils s’impatientaient en attendant leur chance de scandaliser les jeunes confesseurs qui avaient fait un vœu de chasteté très tôt dans leur vie.
Si le « medium » est le message, si la transformation de la communauté catholique est le résultat du Vatican II, on est en droit de remettre en question la validité de ce Concile, car les séminaristes abandonnent leur vocation, les prêtres et les religieux se défroquent massivement, les églises se vident comme si l’édifice était en feu. Ces évènements sont autant d’alarmes que la curie refuse d’entendre. Les cardinaux ont accepté de décaper les pompes de la religion catholique sans tenir compte de la réalité des fidèles, des gens pieux qui étaient capables et prêts à prendre la relève du clergé, des jeunes mariés qui voulaient une petite famille nord-américaine, et de la jeunesse qui, plutôt que de faire leur pénitence, s’ébrouait en sortant de l’église. Dépouillé de ses injonctions et de ses artifices, il ne restait que l’illusion de ce qui était autrefois une grande église canadienne-française, car dans une société médiatisée, elle n’arrivait plus à se maintenir en place.
Donc la révolution sereine des artistes du Nouvel-Ontario était au diapason de la contre-culture nord-américaine, mais elle était aussi à la fine pointe d’un mouvement qui allait transformer la société canadienne-française.
La question n’est pas de savoir pourquoi la jeunesse des années soixante-dix ruait dans les brancards, mais plutôt pourquoi elle voulait changer l’ensemble de la société autour des institutions laïques : il ne faut pas se surprendre de la loi sur la laïcisation au Québec, car elle est l’aboutissement de ce mouvement de libération. En Ontario-Français les rapports de force ne sont pas aussi clairs ou évidents, car la minorité francophone ne tient pas les rênes du pouvoir. Oui, la pièce de la Troupe était scandaleuse, car elle attaquait deux facettes du triangle culturel du Canada français, la langue et la foi, et ce dans un contexte où le troisième aspect, celui de la nation, était sous le contrôle de la majorité anglaise écrasante qui ne se souciait pas de s’imposer. Mais, tout de même, ses enfants de bâtisseurs de pays sentaient l’urgence de parfaire le bien de leurs aïeux et de consolider leurs acquis dans le nord que leurs pères leur ont légué. Quand on s’aventure dans l’inconnu, quand on transforme son environnement, on se sent souvent comme un alpiniste qui doit avancer, malgré le fait que son corps est accroché précairement au-dessus du vide.
Dans l’vide
La nuit fut belle
mais vide;
L’aube, serein,
mais vide.
Le zéphir a embrassé la rose;
La noirceur a rincé l’étoile;
Le soleil a étendu ses bras
Vides…
La fleur a éclatée
mais vide;
L’air, pur
mais vide.
La lune a fait ses adieux;
L’oiseau a chanté le bonjour;
Vides…
La feuille partie avec le temps
Vide…
Le cœur battait fort
mais vide;
Les yeux, languissant
mais vides.
L’ombre s’est penché sur la lumière;
Le désir a envahi l’espoir;
Un rien se dessine dans le vent
Vide…
L’amour si riche
mais vide;
La vie, là
mais vide.
Thérèse
Le Lambda, « Au carrefour de l’art et du peuple », décembre 1
Mon silence en 2019 s’explique par le temps que j’ai investi à écrire mon deuxième roman dans la série du « Grand Livre, Le Rideau de scène ». Certaines entrées que vous avez pu lire cette année sont des premières version des sections que j’ai retenues pour ce roman. Pour clore l’année et même pour lancer le travail de révision de texte, j’ai cru nécessaire de fignoler l’avant propos du roman et de le partager avec vous,
De gauche à droite : Carole, Jean-Paul, Thérèse, Paul-André et, dans la deuxième rangée, Denis C., Gaston et Denis St. et cachés dans les coulisses cinq musiciens et huit autres collaborateurs.
Avant-propos
Oui, Le rideau de scène est le deuxième volume du Grand Livre. Deux ans plus tard, en 1970, nous retrouvons Paul-André et Albert, les deux protagonistes du premier volume. On se rappelle qu’en juin 1968, Paul-André avait les deux pieds bien ancrés dans le petit village qu’il avait reconstruit dans le carré de sable du terrain de jeu de leur voisinage. Les rues, les petites maisons de sable, les arbres minuscules récemment plantés, tout le monde imaginaire de leur enfance se déployait à ses pieds dans ce qu’il voulait être une carte de souhaits nostalgique pour son ami qui quittait décisivement leur ville natale. Pour sa part, Albert se protégeait en cachant sa tristesse derrière un masque flegmatique. Mais, avant de partir pour Sudbury, il avait décidé de s’arrêter au coin de leur rue pour saluer son meilleur ami. Tout aussi ému, il regarda Paul-André qui sous le ciel bleu de son village ressemblait au géant Gulliver de Jonathan Swift. Pour se dérober, avant que ses propres sentiments prennent le dessus, Albert s’apprêtait à peser sur le champignon de la grosse Ford Meteor de sa mère, mais à la toute dernière minute… il freina. En tournant la manivelle de la fenêtre, il cria « Bye, Bye-Bye Dédé, pour moi, tu as toujours été et tu seras toujours le géant de notre village. »
À la rentrée scolaire de 1970, Albert quitte son emploi de mineur à La Frood-Stobie de l’INCO pour entreprendre des études littéraires et Paul-André réoriente ses études universitaires vers la traduction. Tous deux se joignent à La Troupe et au journal Le Lambda des étudiants de l’Université Laurentienne. Les deux amis sont enfin réunis à l’Université, sur le seuil de leur plus grand rêve.
Leurs projets de vie et d’écriture s’ouvrent nécessairement sur les jeunes de leur génération, car, en se joignant aux activités parascolaires de leur faculté, ils acceptent de travailler dans les cadres de deux projets animés par une trentaine d’étudiants tout aussi motivés qu’eux. Dans le drapeau du journal, l’équipe éditoriale proclame que « C’est un cadeau » stie » et le titre de la création collective de La Troupe est Moé j’viens du Nord ’stie. De toute évidence, il y a plusieurs atomes crochus entre ces deux projets, car au début les projets sont dirigés par des anciens du Collège du Sacré-Cœur, le collège que les jésuites ont fermé en 1967 pour mieux s’investir dans l’Université de Sudbury. Dans son livre, Au seuil des vingt ans, Jean Éthier-Blais, un ancien du même collège, affirme, « Nous sommes restés marqués par ce destin d’initiateurs (p. 164). […] La Compagnie [de Jésus] insistait sur l’idée de la tribu. Élève des jésuites un jour, vous étiez marqué au sceau d’un destin particulier, noble (p. 216). Ce concept de tribu correspondait au sentiment d’appartenance dans réseaux sociaux déployés par des « hippies » des années 1960. En 1970, à l’instar de ce dont parle Jean-Ethier, une douzaine d’anciens collégiens, tout aussi artiste les uns que les autres, ressentent intuitivement cette même cohésion de « tribu », mais le groupe s’ouvrit nécessairement aux autres étudiants francophones de la Laurentienne pour former une troupe universitaire de vingt et une personnes. Leur projet devint de facto un projet générationnel de participants venant de toutes les régions de la province, comme en témoigne la liste des membres imprimée dans le programme de la pièce.
Ce fut véritablement une création collective : car tous les membres ont participé à la création, la production et la présentation de la pièce. Si la paternité de la pièce a été attribuée à Paul-André lors de la publication en 1988, c’est qu’il a interprété le rôle de Roger qui apparaissait dans les six scènes de la pièce. De plus, comme il l’a fait en 1967 pour le Grand Livre d’Albert, Paul-André a volontairement assumé le rôle de secrétaire de rédaction. Entre les sessions d’idéation, il faisait la synthèse des idées, des dialogues et dactylographiait le texte qui servait de point de départ aux prochaines sessions de travail. Tous ont participé aux sessions d’idéation — surtout de la scène dans laquelle ils jouaient —, mais il n’y eut qu’un seul scribe dont la responsabilité était de finaliser le texte.
Ce roman est une autofiction écrite cinquante ans après les évènements. Étant donné la mort tragique de Paul-André, il est surtout basé sur mes souvenances et sur celles des autres participants qui ont accepté de partager leurs souvenirs avec moi. Il est aussi basé sur mon journal intime et sur les textes des étudiants publiés dans Le Lambda, car l’équipe du journal était contiguë à celle de La Troupe, plusieurs étudiants occupant des postes dans les deux organisations. Ces articles du journal étudiant sont révélateurs dans le sens qu’ils recréent le contexte social des étudiants à l’Université Laurentienne, dans le Nouvel-Ontario et dans certains cas dans le Canada de 1970-1971.
Oui, il faut le dire et pour ce faire je me cite ; dans le prélude du premier volume, j’écrivais : « S’il n’y a rien de vrai dans ce récit, c’est qu’il n’y a rien de faux. » Qu’est-ce à dire ? C’est le principe même de la métaphore et encore mieux de la métonymie. En littérature, les auteurs utilisent des figures de style pour expliquer ce qui pourrait se dire sans affects. Certains diront que l’écrit « neutre » est plus près de la vérité : je n’en suis pas certain. L’écrivain est un jeu de filtres : il vit, il constate, il intègre et il raconte. Il en va de même pour le lecteur : il lit, il comprend, il intègre et apprécie le texte. Pour que la communication soit un succès l’auteur et le lecteur doivent faire appel à tous leurs sens y inclus le sixième qui fait la synthèse de leur expérience. L’écriture neutre, c’est l’utilisation d’un filtre artificiel pour dépouiller le texte de tous les affects de l’auteur et c’est aussi une consigne de cerbère qui empêche le lecteur de recréer dans sa propre conscience ce dont il est question. L’écriture neutre c’est un artifice, qui est commode dans les textes d’ordre légal et commercial, mais qui ne trouve pas sa place en littérature.
Soyez sans crainte, je ne m’apprête pas à écrire un roman « neutre », aseptisé, stérilisé, châtré, etcetera. Bien au contraire, ce sera un bouquet d’affects qui, je l’espère, vous feront vivre ou revivre cette merveilleuse expérience que fut la création de Moé j’viens du Nord ’stie. Un évènement dont le tout est plus que la somme de ses parties. Dans le cas d’une autofiction, le plus difficile c’est de signer un contrat de vérité avec les lecteurs, et de le respecter. De raconter une histoire sans tomber dans la trappe de l’autoglorification, ou encore dans la glorification d’un autre individu. On nous a souvent accusés, Robert Dickson et moi, d’avoir créé de toutes pièces un mythe autour de la personnalité de Paul-André. Ce n’est pas exact, mais il est vrai que nous avons tout de même maintenu le mythe que les médias électroniques avaient déjà créé autour du personnage incandescent de Paul-André s’y… surtout pendant les trois dernières années de sa vie quand il était devenu une vedette de l’industrie musicale canadienne. Cet effort de vraisemblance, de vérité ontologique est particulièrement important dans le cas des créations collectives, où l’objectif doit être de témoigner le l’effort collectif.
Malheureusement, ma mémoire n’est pas assez forte pour nous rappeler le rôle de toutes les personnes avec lesquelles j’ai eu l’honneur de collaborer, je dois me rabattre sur mes souvenirs qui sont limités aux personnes avec lesquelles j’ai travaillé plus étroitement. Je tiens donc à le redire, nous étions une vingtaine de protagonistes. Mon roman n’aura pas l’empan nécessaire pour faire revivre tous ces merveilleux personnages à leur juste mesure. Je m’en excuse, je salue et remercie les membres de La Troupe qui m’ont accueilli au cœur de ce qui est devenu notre coopérative de création.
Pour terminer, j’aimerais citer le refrain d’une chanson inédite de Paul-André que le groupe CANO a présentée quelquefois en public et plus particulièrement à Windsor le 12 février 1976.
« C’est dans la chanson des petits enfants.
Que l’on comprend qu’on est trop grand.
La vie c’est tout un évènement.
C’est le plus beau.
C’est le plus grand. »
Radio Canada a retenu les services d’un comité d’expert pour identifier les 15 titres incontournables de la littérature francophone de l’Ontario, dans le cadre de la journée de la littérature franco Ontarienne.
Croyez-moi, pour un Tremblay habitué à être relégué à la fin de toutes les listes, après les OPQRS de ce monde, c’est un honneur d’être en tête de liste.
Mais aussi, pour l’équipe de Prise de parole, c’est rassurant de voir que 13 des 15 titres ont été publiés aux éditions Prise de parole.