Les quinze incontournables

thVoici de bonnes nouvelles.

Radio Canada a retenu les services d’un comité d’expert pour identifier les 15 titres incontournables de la littérature francophone de l’Ontario, dans le cadre de la journée de la littérature franco Ontarienne.

Croyez-moi, pour un Tremblay habitué à être relégué à la fin de toutes les listes, après les OPQRS de ce monde, c’est un honneur d’être en tête de liste.

Mais aussi, pour l’équipe de Prise de parole, c’est rassurant de voir que 13 des 15 titres ont été publiés aux éditions Prise de parole.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1100032/incontournables-litterature-franco-ontarienne-panel

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Mémoire livresque (50 ans plus tard)

Le Grand Livre, volume 34,
le 11 septembre 2018

Perdu dans le temps, entre nuit et jour, ma conscience passe lentement du sommeil et l’éveil. Voilà que le vieillard que je suis devenu flotte au-dessus de son lit, pendant que la première plage musicale, « ParceOfficium mi domine », du disque Officium (Jan Gabarek, The Hilliard Ensemble) me berce dans ses bras grégoriens, m’indique la direction dans laquelle je dois nager pour retrouver ma pleine conscience. Pourtant, je préférerais rester ici, entre loup et chien, là où l’on n’a pas honte de ce que l’on ressent, de ce que l’on vit, de ce que l’on désire.

J’écris dans le temps qui se plie au passage d’un astre, quelque part entre les années 70 et aujourd’hui, le revenant de Nixon et l’esprit égaré de Trump se croisent dans les corridors de la Maison-Blanche. Pour ma part, devant cette page virtuelle, Fred, je sens le besoin de te dire que ta lettre au rédacteur n’est pas passée dans le vide. Je ne n’avais que 20 ans, je croyais être en amour pour la première fois — But, I was Just in Lust — c’est là que ton cri féministe et viscéral est venu me chercher, là où je ne pouvais pas parler, de peur d’offenser les gars. J’aurais voulu de répondre… Fred, te dire que tu étais belle, dans ton corps comme dans ton esprit, mais le petit macho que j’étais could not utter a single word.

Mes mots de silence flottent au-dessus de la table de mise en page de verre aussi opaque que translucide, là où les mains virtuelles des étudiants collaient tes mots dans la cire chaude étendue sur le carton de montage de la page éditoriale. Tes mots qui à l’époque m’ont tellement perturbés — tes mots m’interpellent toujours — mais j’ai alors préféré rire entre les marges de la réponse cinglante du rédacteur. C’est la loi du moindre effort qui s’est imposée.

Hé, Fred, à l’époque les femmes n’avaient pas le droit de déranger l’ordre établi. Mais cela ne t’a pas empêché de partager ta vision d’un Nouveau Monde.

Pour toi, se taire aurait été plus facile, ton message a été un coup de couteau dans la chair de ma réalité et de notre existence. Cette nuit, pour quelques éclisses de Time Warp, 1970 est devenu 2018, le vieil homme que je suis a finalement compris que ta lettre féministe s’ouvrait sur le futur, sur la page du présent sur laquelle j’écris aujourd’hui, tandis que la réponse du rédacteur était et est restée accrochée dans les oubliettes du passé antérieur… heureusement.

Parce mi domine, pardonnez-moi Seigneur, car j’ai péché comme tous les autres hommes de ma génération. En ce moment de l’Histoire où le machisme des idiots à la Trump-Ford-Putin domine l’Amérique, il est de plus en plus important de le dénoncer, de peur que l’on retourne à nos anciennes manières.

Sois vigilente Fred, mais que dis-je, tu l’as toujours été.