Réflexion dans & devant une image

Scène des trois amis-Moé-jviens-du-nord-stie-1971Maudit qu’on était beaux !

Photo : Doug Kingsey 1971

Une photo de la pièce Moi j’viens du Nord ‘s’tie, l’image de la scène trois (où les trois amis assis sur un banc de parc) est devenue virale. Malheureusement, plus souvent que jamais, elle a servi d’avis de décès, plus précisément comme le rappel de la mort tragique de Paul-André. Donc, pour moi, voir cette photo apparaître à l’écran de mon ordinateur a toujours été accompagné d’une certaine amertume ; on se sent toujours délesté d’amour ou d’amitié lors du suicide d’un être cher ! Mais cette année, quand j’ai vu apparaître la photo, ma réaction fut tout autre. À ma grande surprise, mon commentaire fut amusant pour les personnes autour de moi. C’est peut-être que la légende que j’ai inscrite sous l’image fut aussi spontanée que candide et succincte !

Ce fut aussi une épiphanie, pour moi du moins, car à l’époque je n’avais pas encore réussi à me voir objectivement, en exotopie, c’est-à-dire d’un point de vue extérieur à ma propre personne. Peut-être parce que je suis né dans une famille d’entrepreneurs forestiers, et élevé dans une maison où il n’y avait pas de psyché, car les miroirs étaient tout petits et surtout fonctionnels. À peine assez grand pour se raser ou pour se maquiller le centre du visage. Quand Albert, mon alter ego dans cette œuvre, se regarde dans le miroir, il a l’impression de se voir dans une glace de cirque, là où les reflets sont difformes, selon ses états d’âme ou selon l’angle de son choix, car il n’est pas à l’aise dans sa peau. Albert se trouve étrange, pas tout à fait laid, pas tout à fait beau où pour être cool : c’est-à-dire, pour s’intégrer à la tendance sociale du jour : on disait tout simplement weird !

Weird… peut être, mais aujourd’hui, je dis « Maudit, qu’on était beau ! »

C’est peut-être pour cette raison qu’à la fin de mon adolescence je lisais et relisais aussi souvent que possible les poèmes de Saint-Denis Garneau. Désormais septuagénaire, je suis toujours fasciné par ces trois vers du poème « Accompagnement »…

Je marche à côté d’une joie
D’une joie qui n’est pas à moi
D’une joie à moi que ne puis pas prendre

Ce n’est pas mon intention d’interpréter aujourd’hui ce que ce Garneau, le poète, a pu vouloir dire, mais plutôt l’occasion de faire allusion à ce que j’ai pu — ou bien voulu — comprendre. Devant ce texte, qui assurément était — et qui l’est pour toujours — un reflet du poète, je me sentais étrange comme si j’étais devant une glace quelque peu embuée. Que je sois incapable de me réconcilier à son image me semblait tout à fait normal, mais que je sois dérangé par l’intensité de l’expérience que je vivais en lisant les poèmes de Saint-Denys-Garneau m’inquiétait et me fascinait.

Depuis, heureusement, je me suis réconcilié à moi-même. Ce fut un long voyage, « un long voyage abracadabrant », et je crois que le premier pas fut mon retour à l’écriture en 1995. Après une dizaine d’années d’aphasie, de silence, j’ai vécu comme une débâcle l’écriture et la publication de ma nouvelle, Souvenir de Daniel. Libéré, j’ai pu poursuivre ma vie à visage découvert : mes études, mes recherches, mes publications. Je pus prendre un certain recul, pour me voir de l’extérieur de moi-même, pour dire que j’étais beau, que nous étions beaux. Et surtout, je peux maintenant passer de ma personne à celle de mon personnage, pour « Que je sois [toujours] porté par la danse de ces pas de joies.

Et puis… voilà, maintenant je retourne à celui que je suis !

Photo : Annik de Caruffel, 2013

Le Gros lot pour Noël

Peinture : Rita Tremblay

Maman et ses Petits Chanteurs

La mère d’Albert aurait aimé, comme ses frères, poursuivre ses études à l’université. On l’avait convaincue de suivre un cours commercial après l’école secondaire, afin qu’elle se trouve un « job »… car, selon les croyances de l’époque, le mariage la rattraperait rapidement. Ses frères, celui qui deviendrait son premier mari et ses cousins travaillaient pour son père ; la famille, sa vie, tout ce qui la concernait était organisé autour de l’entreprise familiale. Quand son époux partit faire la guerre en Hollande, en 1943, elle se fit cookie au chantier de son père ; à son retour, ils firent construire une belle grande maison avec le bois de la scierie familiale et les crédits offerts aux vétérans en vertu du programme d’accès à la propriété.

Dans les années soixante, quand la nouvelle « grande école » se mit à offrir des cours du soir aux adultes du voisinage, sa mère en profita pour parfaire son éducation. C’est ainsi que la famille d’Albert eut droit aux cours de rhétorique de Dale Carnegie (qui seront suivis, quelques années plus tard, par les cours d’espagnol de dixième, onzième et douzième années).

Pendant tout un hiver, les enfants furent témoins des différentes versions des « discours » de leur mère et, dès l’année suivante, les plus vieux eurent droit à des cours particuliers d’art oratoire tandis que les plus petits furent embrigadés dans les rangs de public sympathique des récitals « Carnegie » dans leur salon de la rue Levesque.

Tout ce brouhaha ne faisait que présager ce qui allait bientôt chambarder l’atmosphère de la maison. Albert ne se rappelait pas si c’étaient les cours d’espagnol de sa mère ou les disques des 50 Guitars de « Snuff » Garrett qui avaient transformé sa mère, mais, chose certaine, l’enveloppe sonore de la maison fut profondément affectée quand le Mexican Hat Dance de Tommy Garrett supplanta Moon River d’Henry Mancini.

Le changement chez sa mère était beaucoup plus fondamental que les cours qu’elle choisissait ou la musique qu’elle écoutait. Il signalait après neuf années de tristesse la fin de son veuvage : elle s’engagea dans la communauté, se fit élire à la présidence de la Ligue de la jeunesse féminine du village. Elle devint responsable des activités de collecte de fonds : l’organisation du Bal des petits souliers au printemps et la soirée des Petits Chanteurs pendant la période des fêtes.

Albert, ses cousins et ses amis aimaient cette soirée. Une compétition s’était installée entre les adolescents de la rue King et ceux de la rue Levesque pour voir lequel des deux groupes allait collecter plus d’argent que l’autre. Puisqu’elle se tenait le 21 décembre, la soirée lançait gaiement l’hiver et la saison des fêtes à l’américaine. En organisant la soirée des Petits Chanteurs, les dames de la Ligue recréaient dans les rues du village les tableaux vivants illustrés sur les cartes de souhaits ou présentés en living colors lors des émissions télévisées de Noël.

Emmitouflés dans leurs vêtements d’hiver, les adolescents passaient de porte en porte en chantant la guignolée pour acheter des petits souliers pour les indigents. Étant donné que les chanteurs étaient, pour la plupart, des enfants du voisinage, les portes s’ouvraient promptement, les bourses généreusement. Le répertoire était simple : les Petits Chanteurs de Sturgeon choisissaient leurs chansons à même le répertoire folklorique de leurs familles et dans les cantiques sacrés de la paroisse, ou encore dans le répertoire des chansons américaines qui monopolisaient les ondes en cette période de l’année. Dans la rue Levesque, Le « Minuit, chrétiens » se transformait, au deuxième quatrain, en « O Holy Night » et « Les anges dans nos campagnes » côtoyaient, en anglais aussi bien qu’en français, « Rudolph le petit renne au nez rouge ».

À chaque arrêt, les petits chanteurs devaient choisir une chanson dans la langue du propriétaire de la maison. En cas de doute, ils se rabattaient sur le latin, ce qui plaisait à Albert, qui aimait la qualité sonore de cette langue, et plus particulièrement les paroles mystérieuses de l’Adeste fidèles. Albert n’avait rien d’un latiniste, d’ailleurs ce sont ses lacunes dans cette matière qui avaient précipité son départ du collège. Pour lui, la qualité d’un vers comme « laeti triumphantes », Joyeux et triomphant, n’avait rien à voir avec le sens des mots, mais plutôt avec leur musicalité, ou encore avec le caractère dynamique et rythmique d’une expression comme « natum videte regem angelorum », Voyez le nouveau-né, le roi des anges.

Cette année-là, les chants latins étaient plus faciles à chanter, puisque Paul-André et Josée étudiaient le latin et qu’ils pouvaient mener le chant et souffler les paroles mélodiques et mystérieuses des cantiques aux autres membres du groupe. À la fin de leur parcours, à l’angle des rues Levesque et Queen, ils s’approchèrent respectueusement de la grande maison victorienne du parrain d’Albert. Un grand sapin et sa crèche étaient installés devant le balcon, les lumignons multicolores clignotaient et les branches des grands arbres étaient silencieuses, la cime des arbres se perdant dans la voûte blanche puisqu’une neige tombait dru en cette soirée digne du solstice d’hiver. Albert demanda au groupe d’entonner le « Minuit, chrétien » : son oncle était le premier chantre de la paroisse et le « Minuit, chrétien » sa chanson préférée.

Dès le premier quatrain, le maître de la maison ouvrit la porte, invita la troupe à entrer, installa une de ses filles au grand piano et, sans hésiter, prit la direction de la petite chorale. Sous sa baguette, tout le groupe s’en donna à cœur joie, le cantor du Sacré-Cœur ayant donné le ton en entonnant lui-même le premier refrain. À partir de ce moment, le piano et les voix des adolescents se déchaînèrent, emportés par un directeur endiablé. Pour leur prestation, il leur offrit un billet de dix dollars neuf et, malgré les objections de sa femme, un verre de ti-blanc. Pour les petits chanteurs de la rue Levesque, ce fut le clou de la soirée et ils rebroussèrent chemin sous une neige qui tombait généreusement et lourdement, la fête les attendant à la salle paroissiale.

Le groupe des quatre amis laissa les autres chanteurs prendre les devants. Ils préféraient ralentir le pas et marcher ensemble. C’était leur première grande sortie « à quatre » depuis la Sadie-Hawkins, car ils avaient dû se consacrer à la préparation de leurs examens. Le village tournait au ralenti et les adolescents étaient seuls dans la rue bordée d’anciennes maisons victoriennes. Au loin, ils pouvaient voir un homme et son fils qui tentaient d’ajuster les lumières de Noël et un peu partout des enfants qui construisaient des bonshommes de neige, des châteaux forts et des tunnels dans les bancs de neige. L’ambiance était à la fête.

Les quatre amis s’amusaient à échafauder des plans pour leur avenir, conscients que leurs études allaient les séparer à l’automne suivant. Les quatre s’estimaient heureux de s’être rencontrés et, surtout, d’avoir eu l’occasion de vivre cette expérience extraordinaire. Ils étaient sous le charme de la soirée ; la nature, leur culture et même la musique de Noël semblaient en accord avec leurs croyances. Ils avaient l’impression de vivre dans un rêve, dans une illustration étincelante de carte de Noël. Ce soir-là, Albert écrivit dans son journal.

21 décembre 1967

Journée de solstice, de changement de saison.

Aujourd’hui, ma mère a eu droit à un très beau cadeau, à la grande demande en mariage de son prétendant. Elle a accepté, le mariage aura lieu au début de l’été. On va tous déménager à Sudbury.

Quelle journée, quelle nouvelle, mais il faut dire qu’on s’y attendait. Ça fait six mois que « le lui » nous visite régulièrement. Les petites l’appellent « lui ». Elles n’osent pas utiliser son prénom et elles refusent de l’appeler papa. Elles parlent donc de « lui ». Paul-André a formalisé son nom en l’appelant « le lui », pour le distinguer des autres « lui ». Ma mère va se marier avec « le lui » et je vais avoir sept sœurs (deux de plus), deux frères, une mère et un « le lui ».

Espérons que « le lui » est patient.

21 décembre 2019

Cinquante-deux solstices d’hiver plus tard…

Maman chantait, maman nous faisait chanter… même quand la vie était triste, elle chantait pour faire susciter en nous la joie de vivre.

Le « lui » s’appelait Lucien, plusieurs années plus tard, lors d’un jour de l’an festif, l’un ou l’une d’entre nous a décidé qu’il fallait le rebaptiser. Lui donner un nom, un rôle officiel, reconnaître la place qu’il occupait parmi nous. On lui demanda la bénédiction paternelle ce que nous n’avions pas fait depuis 1968, l’année de la mort de notre grand-père maternel.

Le lui était devenu notre papa, le grand-papa de nos enfants, l’arrière-grand-père de nos petits-enfants… et le gros lot que notre mère a gagné le 21 décembre 1967.

Ensuite nous avons chanté, la chanson des cheveux blancs avec Mémère, la chanson de la soupe aux pois avec maman et plusieurs autres hymnes à la vie.

Passez une belle journée de Solstice et de Joyeuses fêtes

Mon deuxième Grand Livre

Mon long silence

Mon silence en 2019 s’explique par le temps que j’ai investi à écrire mon deuxième roman dans la série du « Grand Livre, Le Rideau de scène ». Certaines entrées que vous avez pu lire cette année sont des premières version des sections que j’ai retenues pour ce roman. Pour clore l’année et même pour lancer le travail de révision de texte, j’ai cru nécessaire de fignoler l’avant propos du roman et de le partager avec vous,

Troupe;Carole Morissette, Jean-Paul Gagnon, Thérèse Boutin , André-Paiement, Denis Courville, Gaston Tremblay. Denis St-Jules

De gauche à droite : Carole, Jean-Paul, Thérèse, Paul-André et, dans la deuxième rangée, Denis C., Gaston et Denis St. et cachés dans les coulisses cinq musiciens et huit autres collaborateurs.

Avant-propos
Oui, Le rideau de scène est le deuxième volume du Grand Livre. Deux ans plus tard, en 1970, nous retrouvons Paul-André et Albert, les deux protagonistes du premier volume. On se rappelle qu’en juin 1968, Paul-André avait les deux pieds bien ancrés dans le petit village qu’il avait reconstruit dans le carré de sable du terrain de jeu de leur voisinage. Les rues, les petites maisons de sable, les arbres minuscules récemment plantés, tout le monde imaginaire de leur enfance se déployait à ses pieds dans ce qu’il voulait être une carte de souhaits nostalgique pour son ami qui quittait décisivement leur ville natale. Pour sa part, Albert se protégeait en cachant sa tristesse derrière un masque flegmatique. Mais, avant de partir pour Sudbury, il avait décidé de s’arrêter au coin de leur rue pour saluer son meilleur ami. Tout aussi ému, il regarda Paul-André qui sous le ciel bleu de son village ressemblait au géant Gulliver de Jonathan Swift. Pour se dérober, avant que ses propres sentiments prennent le dessus, Albert s’apprêtait à peser sur le champignon de la grosse Ford Meteor de sa mère, mais à la toute dernière minute… il freina. En tournant la manivelle de la fenêtre, il cria « Bye, Bye-Bye Dédé, pour moi, tu as toujours été et tu seras toujours le géant de notre village. »

À la rentrée scolaire de 1970, Albert quitte son emploi de mineur à La Frood-Stobie de l’INCO pour entreprendre des études littéraires et Paul-André réoriente ses études universitaires vers la traduction. Tous deux se joignent à La Troupe et au journal Le Lambda des étudiants de l’Université Laurentienne. Les deux amis sont enfin réunis à l’Université, sur le seuil de leur plus grand rêve.

Leurs projets de vie et d’écriture s’ouvrent nécessairement sur les jeunes de leur génération, car, en se joignant aux activités parascolaires de leur faculté, ils acceptent de travailler dans les cadres de deux projets animés par une trentaine d’étudiants tout aussi motivés qu’eux. Dans le drapeau du journal, l’équipe éditoriale proclame que « C’est un cadeau » stie » et le titre de la création collective de La Troupe est Moé j’viens du Nord ’stie. De toute évidence, il y a plusieurs atomes crochus entre ces deux projets, car au début les projets sont dirigés par des anciens du Collège du Sacré-Cœur, le collège que les jésuites ont fermé en 1967 pour mieux s’investir dans l’Université de Sudbury. Dans son livre, Au seuil des vingt ans, Jean Éthier-Blais, un ancien du même collège, affirme, « Nous sommes restés marqués par ce destin d’initiateurs (p. 164). […] La Compagnie [de Jésus] insistait sur l’idée de la tribu. Élève des jésuites un jour, vous étiez marqué au sceau d’un destin particulier, noble (p. 216). Ce concept de tribu correspondait au sentiment d’appartenance dans réseaux sociaux déployés par des « hippies » des années 1960. En 1970, à l’instar de ce dont parle Jean-Ethier, une douzaine d’anciens collégiens, tout aussi artiste les uns que les autres, ressentent intuitivement cette même cohésion de « tribu », mais le groupe s’ouvrit nécessairement aux autres étudiants francophones de la Laurentienne pour former une troupe universitaire de vingt et une personnes. Leur projet devint de facto un projet générationnel de participants venant de toutes les régions de la province, comme en témoigne la liste des membres imprimée dans le programme de la pièce.

Ce fut véritablement une création collective : car tous les membres ont participé à la création, la production et la présentation de la pièce. Si la paternité de la pièce a été attribuée à Paul-André lors de la publication en 1988, c’est qu’il a interprété le rôle de Roger qui apparaissait dans les six scènes de la pièce. De plus, comme il l’a fait en 1967 pour le Grand Livre d’Albert, Paul-André a volontairement assumé le rôle de secrétaire de rédaction. Entre les sessions d’idéation, il faisait la synthèse des idées, des dialogues et dactylographiait le texte qui servait de point de départ aux prochaines sessions de travail. Tous ont participé aux sessions d’idéation — surtout de la scène dans laquelle ils jouaient —, mais il n’y eut qu’un seul scribe dont la responsabilité était de finaliser le texte.

Ce roman est une autofiction écrite cinquante ans après les évènements. Étant donné la mort tragique de Paul-André, il est surtout basé sur mes souvenances et sur celles des autres participants qui ont accepté de partager leurs souvenirs avec moi. Il est aussi basé sur mon journal intime et sur les textes des étudiants publiés dans Le Lambda, car l’équipe du journal était contiguë à celle de La Troupe, plusieurs étudiants occupant des postes dans les deux organisations. Ces articles du journal étudiant sont révélateurs dans le sens qu’ils recréent le contexte social des étudiants à l’Université Laurentienne, dans le Nouvel-Ontario et dans certains cas dans le Canada de 1970-1971.

Oui, il faut le dire et pour ce faire je me cite ; dans le prélude du premier volume, j’écrivais : « S’il n’y a rien de vrai dans ce récit, c’est qu’il n’y a rien de faux. » Qu’est-ce à dire ? C’est le principe même de la métaphore et encore mieux de la métonymie. En littérature, les auteurs utilisent des figures de style pour expliquer ce qui pourrait se dire sans affects. Certains diront que l’écrit « neutre » est plus près de la vérité : je n’en suis pas certain. L’écrivain est un jeu de filtres : il vit, il constate, il intègre et il raconte. Il en va de même pour le lecteur : il lit, il comprend, il intègre et apprécie le texte. Pour que la communication soit un succès l’auteur et le lecteur doivent faire appel à tous leurs sens y inclus le sixième qui fait la synthèse de leur expérience. L’écriture neutre, c’est l’utilisation d’un filtre artificiel pour dépouiller le texte de tous les affects de l’auteur et c’est aussi une consigne de cerbère qui empêche le lecteur de recréer dans sa propre conscience ce dont il est question. L’écriture neutre c’est un artifice, qui est commode dans les textes d’ordre légal et commercial, mais qui ne trouve pas sa place en littérature.

Soyez sans crainte, je ne m’apprête pas à écrire un roman « neutre », aseptisé, stérilisé, châtré, etcetera. Bien au contraire, ce sera un bouquet d’affects qui, je l’espère, vous feront vivre ou revivre cette merveilleuse expérience que fut la création de Moé j’viens du Nord ’stie. Un évènement dont le tout est plus que la somme de ses parties. Dans le cas d’une autofiction, le plus difficile c’est de signer un contrat de vérité avec les lecteurs, et de le respecter. De raconter une histoire sans tomber dans la trappe de l’autoglorification, ou encore dans la glorification d’un autre individu. On nous a souvent accusés, Robert Dickson et moi, d’avoir créé de toutes pièces un mythe autour de la personnalité de Paul-André. Ce n’est pas exact, mais il est vrai que nous avons tout de même maintenu le mythe que les médias électroniques avaient déjà créé autour du personnage incandescent de Paul-André s’y… surtout pendant les trois dernières années de sa vie quand il était devenu une vedette de l’industrie musicale canadienne. Cet effort de vraisemblance, de vérité ontologique est particulièrement important dans le cas des créations collectives, où l’objectif doit être de témoigner le l’effort collectif.

Malheureusement, ma mémoire n’est pas assez forte pour nous rappeler le rôle de toutes les personnes avec lesquelles j’ai eu l’honneur de collaborer, je dois me rabattre sur mes souvenirs qui sont limités aux personnes avec lesquelles j’ai travaillé plus étroitement. Je tiens donc à le redire, nous étions une vingtaine de protagonistes. Mon roman n’aura pas l’empan nécessaire pour faire revivre tous ces merveilleux personnages à leur juste mesure. Je m’en excuse, je salue et remercie les membres de La Troupe qui m’ont accueilli au cœur de ce qui est devenu notre coopérative de création.

Pour terminer, j’aimerais citer le refrain d’une chanson inédite de Paul-André que le groupe CANO a présentée quelquefois en public et plus particulièrement à Windsor le 12 février 1976.

« C’est dans la chanson des petits enfants.
Que l’on comprend qu’on est trop grand.
La vie c’est tout un évènement.
C’est le plus beau.
C’est le plus grand. »

Des personnages et des personnes

Depuis quelques mois, je visionne à la télévision des films « classiques »… enfin de vieux films américains qui datent de l’âge d’or des États-Unis d’Amérique, bien avant que Bush-fils et Trump l’avilissent complètement. Je qualifierais mon assertion par une seule proposition, contrairement à Trump Bush-fils n’était pas raciste.
Selon la fiche IMB, qui lui accorde un 1 pour la qualité, High Noon (1952) est le meilleur des deux films dont j’aimerais vous parler. Il s’agit d’un western tourné dans un petit village construit sur un lot de studio de cinéma qui brille comme une supernova dans le ciel noir et blanc des années cinquante. Même aujourd’hui, 75 ans plus tard, Gary Grant et le personnage de son épouse sont les héros incontestables de ce film, car tous les autres personnages sont des lâches ou tout simplement des malfrats qui, dans les temps modernes, s’aligneraient certainement derrière Trump. À voir, par la qualité de son scénario et de sa 12_angry_mentrame sonore qui rythme la trame narrative comme un tambour dans une galère romaine.

Si le deuxième film ne récolte qu’un « 2 » dans sa fiche IMB, Twelve Angry Men (1957) est devenu en 2019, étant donné l’impact des agissements de Donald Trump, beaucoup plus pertinent que le film de Gary Grant. Ce scénario, 1954, fut premièrement écrit pour une production de téléthéâtre, pour être ensuite adapté pour le cinéma (1957) et pour le théâtre sur Broadway. La popularité de cette histoire dans les années cinquante nous laisse entrevoir une Amérique qui était déjà grande, si ce n’est pour le consensus qui s’établit dans la salle de jury, et dans le pays, par rapport au racisme flagrant qui défigure le personnage de l’un des juristes qui aurait pu, autrement, être le vénérable vieillard de l’ensemble. La scène de résolution de ce conflit est de toute beauté.

Enfin, aux trois règles du théâtre classique, un seul temps, un seul lieu, une seule action, s’ajoute une quatrième règle : un seul genre humain. Il n’y a pas une seule comédienne sur ce plateau. Certes, on fait allusion à une femme qui témoigne pendant le procès, mais son personnage est beaucoup plus intéressé par l’apparence de sa personne que par sa responsabilité de dire la vérité. Elle n’hésite pas à témoigner pour se mettre en valeur, comme Shirley-Ann Conway devant la maison blanche ce qui contraste avec le comportement courageux de l’épouse dans High Noon.

Je ne vous en dis pas plus, car il y a plusieurs autres trouvailles et bijoux dans ce film. Je vous recommande ce film,  car il dépeint ce qu’était la grandeur de  l’Amérique when it was really great.

Bon cinéma.

De la mort d’un ami

L’an prochain, à l’automne 2020 les membres de la troupe de l’Université Laurentienne célébreront le 50e anniversaire de la création de la pièce Moé j’viens du Nord ’stie et quelques mois plus tard le 50e de la fondation du Théâtre du Nouvel-Ontario.

Claude Belcourt
Claude Belcourt, 1949-2019

J’ai lu dans Terre des hommes de Saint-Exupéry un passage qui nous parle de ce que nous avons vécu depuis cinquante ans dans la Coopérative des Artistes du Nouvel-Ontario. Cela est particulièrement important parce que nous avons célébré samedi dernier la carrière de Robert et, en ce dimanche, la vie de feu notre ami, Claude Belcourt cette fin de semaine.

« Liés à nos frères par un but commun et qui se situe en dehors de nous, alors seulement nous respirons et l’expérience nous montre qu’aimer ce n’est point nous regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction. Il n’est de camarades que s’il s’unissent dans la même cordée, vers le même sommet en lequel ils se retrouvent. […] Nous nous divisons sur des méthodes qui sont les fruits de nos raisonnements, non sur les buts : ils sont les mêmes. »

Pendant ces cinquante années, nous avons perdu plusieurs de nos amis. Les poètes ne sont pas des métaphores, ils naissent, ils vivent et malheureusement… ils meurent ; et les survivants les pleurent. Écrire un éloge funèbre est le privilège des vivants, on se rappelle à la mémoire feu nos amis, la mort d’une personne nous vivre la fragilité de nos poumons et la fébrilité de notre cœur.

Il faut se souvenir de nos morts, et aimer ceux qui poursuivent le chemin à nos côtés

À la mer… de l’amer…

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Le Grand Livre…
Volume 2, le 13 février 2019

Il neige depuis deux jours…
Pendant les derniers mois de ta vie, sachant que les choses allaient mal pour toi, je signais mes courriels en écrivant « Ton père qui t’aime depuis toujours et pour toujours ».
Je me rappele le jour de ta naissance, tu es apparu dans la pouponnière comme un petit homard à l’envers. La garde te lavait en te tenant, à bout de bras, par les talons. Elle t’a enrobé, t’as mis un petit chapeau, je t’aimais déjà… sans condition. Je ne savais pas exactement comment te le dire, je ne l’ai jamais sus, mais je sentais que je devais être là, car, à l’époque, c’est devant la fenêtre panoramique de la pouponnière que les papas « attendaient » paisiblement que le fruit de leurs entrailles soit livré. Ils avaient alors la vie facilement, the labor was done elsewhere.
Le « depuis toujours » est fini, et maintenant je suis dans le « pour toujours », même si tu n’es plus. À chaque fois, que je vois une relation difficile entre un père et un fils à la télé, au cinéma, ou que je la découvre dans un bouquin ou dans le dramatique du réel… je pleure.
Maman avait raison, perdre un enfant, c’est une petite mort… qui est là pour toujours. La perte est toujours présente, la douleur s’éveille facilement, et les larmes viennent d’elles-mêmes… J’ai mal à mon âme.
Depuis toujours et pour toujours.
En fait, je n’ai pas dit toute la vérité, avant de pleurer j’ai habituellement une abréaction, ensuite sans voir venir je crie ton nom, à pleins poumons… Ton nom qui résonne sur les murs de mon appartement appelle mes pleurs, comme les cris d’une mère qui apprend la mort de son enfant. Je suis seul, donc cela ne dérange personne. Je pleure d’autant plus. Normalement, les papas n’ont pas d’abréactions, les grands garçons ne pleurent pas, et pourtant… c’est ainsi.
Depuis toujours et pour toujours.

Poète invité

Nelligan
Émile à 18 ans

Émile Nelligan

1879-1941

« Soir d’Hiver »

Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme de vivre
À la douleur que j’ai, que j’ai.

Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire ! où-vis-je ? où vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gelés :
Je suis la nouvelle Norvège
D’où les blonds ciels s’en sont allés.

Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.

Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme de vivre
À tout l’ennui que j’ai, que j’ai !…

Poètes invités

Bonjour à tous,

Andrée Lacelle, une poétesse d’Ottawa, a réagi aux actes d’agression du « premier ministre » contre les Francos-Ontariens en sollicitant de courtes contributions de ses amis poètes. J’ai accepté de participer au projet d’Andrée et de publier son/notre poème rapaillé sur ce blogue. Nous vous encourageons à le partager avec le plus de personnes possible!

GAT

LE POÈME RAPAILLÉ

Dire la lumière de notre colère

LEPOÈMERAPAILLÉ_docx

 

 

 

 

 

Vous osez nous attaquer
dans notre existence même
maternée par notre langue
qui féconde notre identité
notre histoire notre mémoire
insondable est ma colère
jamais au grand jamais !
vous n’arriverez pas à me faire taire

•••

C’est du silence qu’émerge la parole.
C’est de cette parole que jaillit l’écho.
Avec tout le respect que je ne vous dois pas, monsieur,
je vous prie d’agréer ma reconnaissance
envers un geste qui n’aura que souligné votre ignorance.
Le silence est le meilleur prétexte pour se dire.
Merci de contribuer à notre visibilité.
Joke’s on you.

•••

Survivance

Poètes, soyons du cri et du hurlement
contre la meute et l’absurde de l’ignorance.
Auraient-ils déjà oublié Montfort encore fébrile
de la lutte sous nos ongles ? Nos voix durcies
par les mines et le nickel de nos passés ?
Nos quartiers décimés? Nos écoles fermées
et nos droits bafoués par leur stupeur ?
Quand on assassine une langue, on tue son peuple.

•••

Jean Marc savait que même dans les années 80
nous étions les Nigger-frogs de la province
mais c’est aujourd’hui que nous croassons
à voir notre étang se dessécher
Nos mines sont devenues des monuments
nos chantiers des routes vociférantes
notre soif frictionnée à l’alcool de rage

Qu’on ose nous couper les pattes
nous servirons le souper

•••

Je ne lis pas le français.
Je n’écoute pas le français.
Je n’écris pas le français.
Je ne parle pas le français.
Je n’étudie pas le français.
Je n’utilise pas le français.
Je vis le français,
comme beaucoup de francophiles.
Le fait de nous en priver est donc plus qu’un linguicide : c’est un meurtre.

•••

J’ai pris une grande marche au bord de la rivière, l’eau coule et nous aussi
j’ai pris une longue respiration au soleil, ses rayons éclairent et nous aussi
j’ai pris les dimensions de la consternation proclamée
j’ai pris de front la colère manifestée
j’ai pris la main de la détermination annoncée
j’ai pris à cœur nos mots exprimés, vêtements de la solidarité
voici venir le temps des grands vents

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Je ne sais pas écrire de la poésie sur la bêtise, l’indifférence ricanante,
L’intolérance à peine camouflée, l’aveuglement volontaire, les raisons économistes,
Les austérités néo-libérales et populistes, leurs mensonges grossiers, leurs trahisons ordinaires,
Leurs silences hautains et calculés, et les gros monsieurs grillés au soleil floridien,
Ou ailleurs, et leurs discours trompettant et plastifié ; mais ceci n’est pas un poème
Et la résistance est déroutante, polymorphe, rabelaisienne et câlisseuse.

•••

Les champs ont vieilli
La ville manque de biscuits
Nous mangeons les fleurs du tapis
La ouate des matelas nous colle aux lèvres
Les jardins se confondent dans nos corps et la misère
Ne nous fait plus bander : laissée derrière, la cendre des ténèbres
N’est plus que la poudre aux yeux calfeutrés de suif d’un aveugle
En odeur de gong. Prière de ne pas prier, aujourd’hui il faut exiger !

•••

Une fleur dans le canon d’un fusil – la paix !
Une parole interrompue – quel malappris !
Une langue ignorée – une cacophonie muette !
Un droit retiré – je me lève !
Droit comme la majuscule à l’accent aiguisé par mon clan.

•••

Non ! Vous n’étoufferez pas la flamme qui fait fleurir l’esprit
Vous ne tairez pas les mots de notre langue
à la pureté de nos fleuves et de nos rivières
à la noblesse de nos montagnes et de nos forêts.
Oui ! Nous continuerons de chanter la beauté
son souffle fécond dans nos gorges en feu.

•••

Nous priver de l’enseignement de notre langue
En Franc’Ontarie que nous portons au cœur
C’est charcuter l’héritage et bafouer les lois du passé
L’arbitraire imposé par l’ignorant FordiCrâneur
Cèdera le pas à Justice / Équité étant de notre côté
Sinon le Combat est réouvert jusqu’à Victoire Franc’Ontarienne !

•••

Sache le souffle qu’ont porté ces lieux
Leurs noms français si français
Le cœur qu’ils refoulent
Étourdi de flèches
Pointe Maligne Rigolet des Mille Roches Isle à l’enfant perdu
Pointe à la Cuisse Ance au Gobelet Isle aux deux têtes…
Je vous le dis
Je revendique le droit
De chanter ce fleuve de l’Ontario
L’infiniment oublié

•••

Chez nous !
Sur notre îlot francophone
Dans cette mer anglophone
Nous refusons de nous laisser détruire
Nous résisterons jusqu’à la mort
Ne vous en déplaise Monsieur Ford
Ici et là
Nous sommes debout
Debout et fiers d’être ce que nous sommes
Franco-Ontariens et fiers d’être là
Chez nous

•••

nous avons été, nous sommes et nous serons
fiers habitants de cette terre
nul préjugé, nul caprice, nul diktat
ne saura nous déloger
car nos racines sont
nobles, vigoureuses et profondes

•••

L’abécédaire du politicien

Les véritables personnes politiques
Les vraies, les fortes, les belles personnalités ALPHA
Ne s’en prennent pas aux minorités
Car cela ne règle qu’une partie des problèmes
Les vrais chefs, les vraies cheffes
Ont le courage de demander les mêmes sacrifices

D’exiger des contributions proportionnelles
De tout un chacun
Du premier au dernier
Du plus fort au plus faible
Des plus riches aux plus pauvres
DE L’ALPHA À L’OMÉGA

•••

Que l’âme rebelle cerne son horizon
l’élargisse au fil des générations
Elles ont œuvré pour leur université
Le centre-sud-ouest francophone s’accroît
On ne peut faire marche arrière
et oublier que toute minorité
teinte l’océan de son fleuve

•••

j’aurai le dernier mot
celui qui dit que j’ai ma place ici
et j’aurai mon mot à dire
bien après les cris blafards
cherchant à étouffer ma parole

•••

sur le trottoir
d’années lumières
une fleur de lys et un trillium
entrelacés d’un amour noir
sont écrasés par un gros porc
qui jette sa boue dans le jardin
des fleurons glorieux
la fin est proche qu’ils nous disaient
pendant qu’ils la précipitaient.
se tenir la main au bord du gouffre
pour éviter qu’on y glisse
crier dans ce trou
pour que les échos l’ensevelissent

la lutte est longue dans les coulisses

•••

Réduire au silence
600 000 rebelles
conduit,
M. Ford,
au lever d’un peuple
car nous sommes debout depuis 400 ans
et ce n’est pas vous qui nous ferez taire.

•••

Avec en mémoire mes ancêtres précurseurs
Je dépiste la trace de la trace
Au diapason du monde
Notre parole française franche
Disait dit dira la vie ici

Quand je revois l’arbre de mon enfance
Plus haut que les autres
Parfois je pressens le temps d’un mythe venu
Or l’arbre qui me fixe ne sera pas abattu

 

POÈTES

Pour une mobilisation de la parole poétique franco-ontarienne
face à l’attaque du gouvernement Ford contre notre collectivité

François Baril Pelletier – Angèle Bassolé – Jean Boisjoli – Hédi Bouraoui – André Charlebois – Éric Charlebois – Tina Charlebois – Nicole V. Champeau – Andrée Christensen – Margaret Michèle Cook – Daniel Groleau-Landry – Andrée Lacelle – Gilles Lacombe – Sonia Lamontagne – Gilles Latour – Pierre Raphaël Pelletier – Paul Savoie – Michel A. Thérien – Gaston Tremblay – Lélia Young

Un chroniqueur invité

Therein lies the rub

Je suis de très près le débat sur l’abolition de l’université française à Toronto. Je suis toujours perplexe, car je m’inquiète beaucoup plus de la réduction des services en français à l’Université d’Ottawa et surtout à l’Université Laurentienne que de l’abolition d’une université française hypothétique à Toronto.

Surtout à la Laurentienne, car cette université opère depuis ses débuts grâce à la Charte de Collège du Sacré-Cœur (1913) qui, depuis le premier quart du vingtième siècle, détenait une charte universitaire (quelques années après la fondation du collège). C’est avec cette charte que les Jésuites ont fondé l’Université de Sudbury, bilingue et catholique. C’est cette même charte qui a servi à lancer la Laurentienne, une université bilingue et non confessionnelle.

Au début, pendant les années soixante, au troisième étage de l’édifice central, on trouvait à la gauche de l’escalier le département d’anglais et à la droite de l’ascenseur, le département de français. Le symbole était fort, car cette université bilingue et biculturelle a choisi à l’époque de monter en épingle son bicœur, ces deux départements qui devaient faire la promotion de nos deux langues et cultures nationales… également !

Ce n’est plus le cas ! Je me limiterai à citer une étudiante qui a dû cette année prendre un cours au département d’études anglaises pour terminer son baccalauréat en études françaises.

“To die, to sleep
To sleep perchance to dream:
Ay, there’s the rub.
For in that sleep of death what dreams may come”

Il y a quelques années je me suis présenté au Microsoft Store de Toronto pour une expertise technique. J’ai demandé au jeune préposé la question suivante.

GAT : When will the Microsoft Store be open for business in Montreal?

Microsoft person : There will never be a Microsoft store in Montreal!

GAT : Why?

Microsoft person : Because of the language issue.

Un chroniqueur de La Presse à Montréal a senti le besoin de publier cet article dans les deux langues pour interpeler plus efficacement ces compatriotes anglophones qui travaillent dans les grands médias anglais de Toronto.

Je vous la soumets en anglais, car tous mes lecteurs sont bilingues (we have no language issues), mais j’ai inséré à la fin de l’article un hyperlien vers la version française.

« GUYS, REMEMBER PASTAGATE ? !

La Presse columnist is aghast at the near- total lack of interest of the Toronto press
PATRICK LAGACÉ LA PRESSE
Did you hear that double thud ? It’s the one-two punch that just landed on the face of the Franco-Ontarian community. The fist belongs to Ontario Premier Doug Ford, who has just cancelledPresse plans to build the province’s first francophone university and eviscerated the Office of the French Language Services Commissioner.
Yes, I am outraged, as a lot of francophones from coast to coast are. Of course, to know about that outrage, you would have to check the French media. The anglo media outside Quebec are doing the bare minimum in terms of coverage.
Hence, this column in English. I’m thinking that maybe, just maybe, if you read about the outrage going on in your province from a guy in Montreal – but in English – maybe you’ll pay attention and start giving a damn. I’m not holding my breath, mind you.
The near-silence from the Toronto press on these bigoted cutbacks targeting the Franco-Ontarian community is quite ironic. Usually, outlets like the National Post, the Toronto Star or The Globe and Mail, to name a few, offer a pugnacious coverage of language issues and spats… when they happen in Quebec and when the (real or perceived) villain is the Quebec government.
But when francophobe cutbacks – yes, dear comrades in the Toronto commentariat, francophobe, say it, it won’t hurt your tongue – target the francophone minority in Ontario, the forceful columns and editorials are nowhere to be found.
It’s ironic, as I said, because through the years, I’ve sometimes had the impression, reading the Toronto press, that it is very, very, very concerned with the fate of minorities in Quebec. In fact, you could think, reading some pieces, that the anglo minority in Quebec is enslaved.
No, I am not conjuring up the slavery metaphor in vain. I actually read it in The Globe and Mail at the height of Pastagate… Remember Pastagate ? To recap : an inspector from the Office québécois de la langue française, in a ridiculous bout of zeal, was going to fine a restaurant for having Italian words on its menu. Granted, it was dumb. I said so at the time. So did many others in Quebec, in the winter of 2013.
Pastagate was heavily covered in the Toronto press. Columns, editorials : the hot takes were piling up. So, a piece published in the Globe on February 26th 2013 started with a lengthy quote from Frederick Douglass, the famous African-American former slave who fought against the infamy of slavery…
The second paragraph of the piece authored by Sandy White stated this : “That was Frederick Douglass writing about the fight against slavery in the United States prior to the American Civil War.
HOWEVER, ONE COULD EASILY MISTAKE THIS AS SOMEONE WRITING TODAY ABOUT QUEBEC…”
Caps are mine and serve to emphasize the sheer stupidity of linking the crimes against humanity that was slavery and the fate of the anglophone minority in Quebec. But it was written. And it was published. Not in a xenophobic rag like the Toronto SUN, mind you : in Canada’s National Newspaper.
Let’s stay on Pastagate, if you will. It is a great prism through which one can analyze the double standard at work when the media from English Canada step to the plate for the rights of linguistic minorities…
On March 1st 2013, at the height of Pastagate coverage, a National Post editorial stated this : “In short, Quebec’s language laws are an international embarrassment because they deserve to be – only they are really no laughing matter. CANADIANS WOULD BE APPALLED IF A FOREIGN GOVERNMENT IN A DEVELOPED COUNTRY TREATED A MINORITY THE WAY QUEBEC’S GOVERNMENT TREATS ITS ANGLOPHONES AND ALLOPHONES.”
Caps are mine, again…
I’ll be clear : there is always room for improvement in the treatment of Quebec minorities.
But inferring that anglophones and allophones in Quebec are so ill-treated that it should warrant international outrage is both incredibly dishonest and a gross exaggeration. Still, it was published.
As a Quebecker I am proud of the fact that the anglophone community has institutions that are publicly funded by the Quebec government. It has three universities, McGill, Concordia and Bishop’s. When Quebec built the francophone Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), it also built the anglophone McGill University Health Center (MUHC), in the same spirit : that these hospitals be world-class hospitals. Nothing is perfect, of course, but this is one way to respect minorities : by funding their institutions.
So, tell me, fellow columnists in the Toronto papers, where is the world-class, francophone hospital in Ontario ?
There is Montfort, yes. Great hospital. Not “world-class” like the MUHC, I’d say, though. And the francophone community had to go to court a generation ago to ensure that the Conservative (again) government of Mike Harris could not kill Montfort Hospital, like it tried to.
And where is the francophone university in Ontario ? If you answered Ottawa U, wrong you are : it’s a bilingual university, like Laurentian in Sudbury. There was at long last going to be a francophone university in Toronto, after decades of dreaming about it and planning for it, and…
And, well, Doug Ford just killed it.
So I am asking you, my fellow comrades-in-arms in the commentariat, yes, you, the editorial and opinion writers based in Toronto…
Where is the outrage ?
Nowhere, I gather : Étienne Fortin-Gauthier, a reporter for the public broadcaster TFO, tweeted yesterday that his daily press brief from Queen’s Park included NOT A SINGLE WORD ABOUT THE FRANCOPHONES’ MOBILISATION (caps mine, again) in the Toronto press. Repeat : NOT A SINGLE WORD.
Francophones across Canada are aghast at this frontal attack on francophones’ institutions and rights led by Doug Ford and (sigh) Caroline Mulroney, who is exceptionally gifted in the role of the token francophone in Mr. Ford’s Cabinet. This outrage is echoed in Ottawa by Prime Minister Trudeau and Mélanie Joly, the Cabinet minister responsible for Official Languages. It is echoed by francophone media and the Montreal Gazette, which lambasted Ford in an editorial.
But what about the Toronto press, which is so influential in setting the agenda in this country ? All I’ve seen is a bare minimum coverage, a 5W-type coverage since the announcement last Thursday.
As far as I can tell, Chantal Hébert, in the Star, is the only opinion writer in the Toronto press who has given a voice to the grievances of French-speaking Ontarians.
Where are the pugnacious columns denouncing this mistreatment of a linguistic minority in Ontario ? Where are the sanctimonious editorials ? I am not even asking for a slavery metaphor ! You know, just the same concerns that propelled your Pastagate coverage from 2013…
I know that I’m gonna die waiting for you guys to care about francophones in Ontario. I have to come to terms with the fact that when it comes to linguistic minority rights, the Toronto press cares only about anglos in Quebec.
As for the Frogs in Ontario, well, as this delicious English expression goes : you don’t give a shit. »

Version française dans la Presse.

https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201811/19/01-5204844-ils-sen-fichent.php

Les quinze incontournables

thVoici de bonnes nouvelles.

Radio Canada a retenu les services d’un comité d’expert pour identifier les 15 titres incontournables de la littérature francophone de l’Ontario, dans le cadre de la journée de la littérature franco Ontarienne.

Croyez-moi, pour un Tremblay habitué à être relégué à la fin de toutes les listes, après les OPQRS de ce monde, c’est un honneur d’être en tête de liste.

Mais aussi, pour l’équipe de Prise de parole, c’est rassurant de voir que 13 des 15 titres ont été publiés aux éditions Prise de parole.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1100032/incontournables-litterature-franco-ontarienne-panel

PdP_c1 GrandLivre