Salut mon vieux,
Je viens de relire ton Grand Livre, et une certitude se confirme… ton œuvre est symphonique… ce livre est un opéra célébrant l’amitié, celle que rien n’altère et qui vaut son pesant d’or, le bon vieux temps qui n’est finalement qu’une fable, mais que l’on se remémore toujours avec nostalgie, et la promesse des lendemains radieux, comme lorsqu’à la fin de ton récit, encore jeune homme, tu pars en voiture vers l’Ouest, pour grandir… mais là ne s’arrête pas la comparaison… alors, mon vieux, filons la métaphore ensemble par-delà les mots et l’espace… comme dans tout opéra, tous les chanteurs, peu importe leur importance, font leur tour de chant à un moment ou à autre, du stentor au soprano, du chœur au soliste… et la musique est là bien présente… celle des années soixante, celle de ta jeunesse, et surtout celle de l’amitié… la narration répond elle aussi aux exigences de l’opéra… tout y passe, les arias lorsque les extraits de musique envahissent le texte, les récitatifs lorsque le protagoniste s’épanche sur son cœur, seul dans sa chambre jaune, couleur d’éternité, les chœurs lorsque les autres personnages entrent en scène pour briser la solitude, les intermèdes lorsque le narrateur prend la parole pour ponctuer et épicer le récit. N’oublions pas l’orchestre tantôt symphonique quand l’histoire des quatre amis prend le dessus, tantôt de chambre lorsqu’Albert et Paul-André se retrouvent ensemble… Ajoutons le fameux livret secret dont toi seul es dépositaire et dont tu laisses quelques bribes s’échapper de-ci de-là pour que nous comprenions mieux les enjeux sous-jacents de l’histoire… l’écriture, quant à elle, est tout ce qu’il y a de plus musicale… le cœur de la prose bat sans cesse, suivant au plus près les émotions des personnages, et les tiennes… Finissons, si tu le veux bien, mon ami, avec toi, le chef d’orchestre qui mène avec brio tout son monde, à la baguette, oserais-je dire, et qui, le cœur lourd, ne peut finalement pas s’empêcher de suivre la partition qu’est la vie…
Mon cher ami, tu as livré ici un combat épique, digne des preux chevaliers, combat où deux sœurs ennemies : la réalité et la fiction, ont dû rendre les armes. Tu nous as offert un pur moment d’art lyrique, et je crois sincèrement que ton grand œuvre est bel et bien fini… que la fiction t’attend… Saluons donc, chapeau bas, cet exploit.
Thibault