
En ce moment, je relis, sur les épreuves de typographie, le deuxième tome des œuvres de Fernand Dorais qui ira sous presse incessamment. Dans sa préface, Sheila Lacourcière tisse un fil d’Arianne qui permettra aux lecteurs de descendre en toute sécurité dans les profondeurs de l’enfer que Fernand Dorais a eu le courage d’affronter, comme Anne Hébert avant lui :
Le taciturne oiseau pris à mes doigts
Lampe gonflée de vin et de sang
Je descends
Vers le tombeau des rois
Étonnée
À peine née.
Hier soir, démoralisé, épuisé (on dit cansado en espagnol) en surfant sur les cases du menu de Videotron, je suis tombé par pur hasard sur l’émission Le Bossu symphonique de Fred Pellerin et de l’orchestre Symphonique de Montréal. Le conteur, nous a expliqué que dans son village, Saint-Élie-de-Caxton on réconcilie le réel à l’imaginaire en utilisant une merveilleuse clef déictique : « Ben voyons donc », un « Il était une fois » typiquement Caxtonien. Ainsi, puisque les conservateurs veulent faire disparaître les facteurs, il a dévoilé sa solution à ce dilemme. Quand, il ouvre la petite porte magique de sa boîte « à malle » il n’a qu’à dire « Bonjour!!! » (dans son monde les points d’exclamation sont nécessaires) et une petite main s’empresse de lui remettre sa facture d’Hydro Québec et « Merci!!! ». Solution compliquée? « Ben voyons donc!!! » C’est ainsi que le conteur garde son équilibre, c’est le fil d’Arianne qu’il nous a offert pour traverser l’enfer de Babine et du Forgeron du village, une espèce de Grinch à gros bras qui a voulu voler la fortune du petit lutin barbu.
Cansado, oui mon âme est fatiguée comme un cheval qui a trop longtemps trotté dans la vallée de la mort. Devant mon écran, j’ai l’impression d’être un bébé qui peine à faire ses rapports. C’est peut-être pour cela que, à l’occasion de mes abréactions, le nom de ma mère revient si souvent. Et Jean-Paul Sartre qui me fait ses petites leçons de politesse. C’est trop français, il faudrait épargner nos lecteurs, éviter de leur parler du voyage de la vie qui n’est pas toujours poli. Je ne veux et ne peux pas écrire et me taire.
Ce matin, en relisant les épreuves, j’ai rencontré ce texte de Dorais qui rejoint, à sa manière, le « Ben Voyons donc » de Fred Pellerin : « Tel devrait être dorénavant le principe de toute écriture de l’Imaginaire : en Occident, nous sommes arrivés à un point où nous pouvons maintenant procéder ainsi : laisser la vie de l’Imaginaire se poursuivre en nous, attendre patiemment qu’elle ait besoin de s’exprimer (tel thème revenant à tel moment donné), puis alors en transcrire les données. À la longue se tissent des récurrences qui révèlent la vie de la mémoire intermittente. »
Cela m’a rassuré. Mon blogue, ma poésie et mes romans sont tous écrits au premier degré. Quand je m’éloigne de moi-même, c’est pour embrasser le carnavalesque, mon personnage préféré est le Colosse de la montagne qui dans Le Langage des chiens est presque aphasique… Quand vient le temps de se dire soi-même ne le sommes-nous pas tous un peu? Moi, ma voix me vient de la musique : Y a on temps que e taime / Amais e ne tou bli rai.
Et puis, j’ai reçu un message de ma collègue Sheila : « Mes vœux pour vous et Annik, votre belle fille : de trouver de la consolation auprès de ceux et celles qui se soucient de vous. Mais vous avez déjà découvert un moyen pour “chasser les blues” Il faut les chanter dis-tu, et puis-je ajouter se servir de ton grand talent pour les écrire. Je te félicite pour ce beau blogue signé de toi et d’Annik, touchant, oui, mais tout imprégné d’espérance.
Merci, Sheila, j’accepte que tu veuilles prier pour moi, mais j’ajouterais que maman, quand elle voulait prier pour moi, priait toujours à saint Jude, patron des cas désespérés avec le succès qu’on lui connait.
TonTon le téléphone qui son
Post-scriptum : La photo du lutin en chef est de mon fils, André. Comme tout bon magicien, le lutin utilise tous ses charmes pour aller toucher le photographe, et nous par ricochet, jusqu’au fond de sa lentille.