
Je ne saurais parler au nom de tous les écrivains, donc je me propose d’aborder cette question d’un point de vue tout à fait personnel.
Le lendemain de mon treizième anniversaire, je me suis retrouvé dans un collège classique sous la direction d’une trentaine de jésuites canadiens. J’étais un des plus jeunes, en fait, disons-le, j’étais trop jeune.
J’étais un enfant dans un monde d’hommes de robe et d’adolescents survoltés, émotifs je n’arrivais pas à communiquer efficacement avec qui que ce soit, si ce n’est qu’en faisait des pitreries pour la galerie. Le destin est impitoyable et bien que j’étais « un petit enfant » en détresse, ni Jésus ni Dieu ne me répondait, mais les jésuites, eux, ne se gênaient pas de faire leur devoir d’état à grand coup de martinet. Aie !!! Que je les ai payées cher mes plaisanteries !
À bien y penser, ces farces plates, ces commentaires sarcastiques n’étaient que les cris de désespoir, des lapsus d’un petit garçon qui ne savait pas pourquoi il était là, pourquoi sa mère l’avait abandonné, pourquoi les prêtres le battaient avec une trop longue lanière de cuir polie, noire d’un côté et brune sang-de-bœuf de l’autre.
Au collège, l’écriture était appréciée, en français, en latin et à la rigueur en anglais. Je me suis mis à écrire des poèmes, l’écriture était alors une soupape, ma chambre de décompression, ma maison loin de celle de ma mère.
- O nuit, que tu es noire
- Toi qui aime boire
- Tous mes espoirs
- O nuit, que tu es noire
Une manière d’appréhender le monde en silence, de réconcilier mes sentiments à ma réalité et au besoin de les cacher dans un petit coffre secret, ou personne ne pourrait me les reprocher, me punir pour avoir osé penser de telles choses. C’est à ce moment-là que j’ai appris à verrouiller mes petites boîtes de vérité à double tour. Ce n’était pas des métaphores, c’était tout au plus des petites clefs, on n’a qu’à remplacer le mot « nuit » par « maman » pour entrer de plain-pied dans le monde d’un enfant de treize ans et quelques jours.
Il y a quelques années, lors de mes vacances annuelles au chalet de ma famille j’ai permis à mon fils de douze ans d’inviter un ami pour la semaine. C’était l’endroit idéal, pour les vacances de jeunes garçons : jungle dense, petite plage rocailleuse, petites îles dans la baie et un bateau avec un moteur de trois forces pour s’y rendre. Ils se sont amusés pendant quelques jours et quelques nuits de camping. Mais le petit copain qui devait partir pour le collège classique de Cornwall, apeuré par le grand départ qui s’approchait, s’est mis à s’ennuyer de sa mère. Malgré la plage, malgré le soleil et l’eau claire, le petit était coiffé d’un petit nuage gris, il avait la larme à l’œil. Tellement, que nous avons dû le reconduire à la maison. Triste histoire pour mon fils qui a perdu son ami en pleines vacances, et pour moi ce fut l’occasion de vivre un déjà vue et de comprendre in situ ce que j’avais vécu in vitro, dans un collège classique.
Pour ceux ou celle d’entre vous qui trouve cette histoire émouvante, j’ajoute que le petit camarade n’a pas eu à vivre ce que j’ai vécu, car ses parents l’on inscrit à l’école secondaire de son quartier pour quelques années, tout près de sa maman.
Pour ceux qui aimeraient en savoir plus au sujet de mes vacances au chalet ou au sujet de mes aventures au collège peuvent commander mon recueil de poésies, Sur le Lac clair et mon roman Le Nickel Strange aux éditions Prise de parole. Les livres sont aussi disponibles à l’Internet ou à la Bibliothèque publique de Toronto.
http://www.prisedeparole.ca/acheter-ce-livre-en-format-numerique/
Une réflexion sur “De le nécessité d’écrire 1”