
La semaine de Pâques est passée sans que je m’en aperçoive. Je n’ai pas fait mes pâques; du moins, pas de la façon que ma mémère l’entendait. Pour elle, faire ses Pâques s’était sérieux: confessions, pénitences et sincères repentirs suivis d’une communion. Pendant l’année, elle ne nous talonnait pas souvent pour les choses religieuses, mais à Pâques elle partait en croisades pour s’assurer que tous les hommes de la famille respectent le jeûne du carême jusqu’à la dernière minute ; sinon, ils devaient repasser au confessionnal et à la sainte table.
Il y a quelques jours, c’était peut-être jeudi ou vendredi soir, j’ai aperçu tapie dans le noir une image de moi que je n’avais jamais vu. J’ai compris l’ampleur de ma peur, de mes pleurs, de ma fragilité, de mes humeurs dépressives, de ma panique. Je suppose que j’ai appris de ma mère à demeurer impassible devant les outrages, les actes d’agression… qu’elles soient physiques, morales ou mentales. Cela me rappelle l’image de ma mère à genoux dans l’église, elle qui demeurerait figer dans sa posture de veuve en noire, entourée de ses quatre plus vieux. Seules dans le banc de la veuve, elle semblait se sentir loin de sa famille qui était de l’autre de l’allée centrale, dans les bancs de la veuve de notre oncle mort dans les mêmes circonstances que notre père. Maman était forte, comme le granite de notre stèle funéraire. Nous, les quatre plus vieux, nous étions figés et prosterner devant notre destin comme des anges de sel autour d’une madone de pierre das un cimetière..
Je suppose que c’est ce jour-là où j’ai appris à refouler mes sentiments jusqu’au plus profond de moi-même. Fausse posture masculine s’il en est une, mais c’était l’époque des vrais hommes qui se tenaient droits devant l’adversité. Avec le temps, j’ai appris à canaliser cette énergie dans mes projets et à utiliser la poésie comme soupape de dernières instances. C’est ce que Dorais appelait de la structure, savoir se retenir, savoir emmagasiner les coups, canaliser l’énergie créatrice dans des projets concrets et à l’occasion savoir s’éclater dans la création le littéraire.
Mon fils n’avait pas beaucoup de structure, il n’avait pas à canaliser son énergie, il s’éclatait dans les sports violents, dans le jonglage et parfois dans la photographie. Et il était très bon, mais ses efforts ne se concrétisaient pas. Il ne pouvait pas travailler seul, il arrivait mal à travailler en groupe, il était comme moi un grand sensible, il s’est enfermé dans lui-même jusqu’à l’éclatement.
La mort de mon fils m’a fragilisé à un point où j’ai eu et j’ai toujours beaucoup de mal à encaisser les mauvais coups que l’on m’administre à l’université. Ce n’est plus une joute professionnelle ni du sport extrême, je ne peux plus entretenir cette posture de dur à cuire, j’ai les nerfs à fleur de peau, les sentiments en ébullition… de jour en jour, j’assiste à ma déconstruction.
Ce que j’écris aujourd’hui peut paraitre triste, mais je demeure insensible devant ce flot de mots qui coule de source. Il est nécessaire comme l’air que j’expire. Je suppose que je pleurerai lorsque je les relirai, pour le moment c’est un exercice de défoulement, AIEEEEEEEEEEEEEEEEE !
C est bien ,cher Gaston ,que dans les dures épreuves de la vie tu aies trouvé un exécutoire, afin de tenir bon.
Je te souhaite de continuer a vivre avec sérénité et détachement dans l ‘ adversité du moment présent.
Jacques.
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