Le Grand livre, volume 34,
le 17 juillet 2018
En général, j’aime beaucoup (même trop) me prélasser dans mes souvenirs. Ce qui explique ma tendance à divaguer, à faire, sans crier gare, des retours en arrière bien sentis. J’ai une bonne mémoire, une 20/20… si vous me pardonnez la métaphore chargée.
Il y a quelques instants, j’ai entendu une version jazzée de Dimanche après-midi. À peine audible, les paroles de cette tune était à peine perceptible, son évanescence était aussi mystérieuse que celle d’un revenant. Si je l’ai reconnue, c’est de l’avoir tellement écoutée. Le coupable, mon IPOD… qui dans ma chambre continue d’exécuter la commande de lecture que je lui ai lancée hier soir.
Cela arrive, cet automate est immensément stupide, ou si vous le permettez, c’est un véritable idiot. Il ne sait pas que le soleil s’est levé, surtout il ne sait pas que j’en suis rendu à ma session d’écriture de l’aprèm, dix heures après le début de ma journée.
Dans ce genre d’expérience, je garde toujours un pied ancré dans la réalité et l’autre déchainé dans une version imaginée et virtuelle d’un moment intense. Pour y accéder, il faut se laisser aller complètement dans la poésie, il n’y a alors que la musique des mots.
« Un mince fil vivant
[qui] serpente entre
le mot et le sens
entre la ligne et le signe »
ce poème de Denis St-Jules nous empêche de divaguer indéfiniment dans l’au-delà… dans l’absence de conscience.
Pour moi, ce poème et cette chanson, 50 ans plus tard, deviennent une métonymie, une expérience essentielle qui me permet de revisiter l’événement original. Pour ce faire, l’intensité du moment premier doit passer directement au travers de mon corps pour m’atteindre dans ce que j’ai de plus intime. Voilà où et pourquoi elle est essentielle…
J’ai passé plusieurs dimanches après-midi avec Paul-André sur la galerie de la maison de ses parents, on entendait la chorale qui chantait dans l’église. Le restaurant des adolescents, St-Amand’s, était fermé comme tous les commerces de notre petit village. Il n’y avait rien à faire sauf chiquer la guenille, sauf se féliciter d’avoir la chance d’être assis à l’abri avec un ami, de prendre le temps de taquiner une guitare, d’écrire une chanson et d’écouter la musique de la pluie.
Depuis toujours, il y avait une grande flaque d’eau devant la maison au lieu d’un trottoir. En 1960 et quelques, c’était comme ça, on n’avait même pas l’idée que notre trou d’eau était dû à l’absence d’un trottoir, c’était plutôt une invitation à aller danser dans l’eau… du moins pour ceux qui étaient assez fous pour le faire.
Ce n’est pas mon ami, mes amis ou ce village paisible qui me manquent, c’est tout simplement le plaisir d’avoir 18 ans… Qu’il est bon de s’oublier pour quelques instants, de voyager dans notre propre corps comme on voyage dans les paysages du Nouvel-Ontario. Lacs, ruisseaux, forêts déchainées, le sang qui bouille dans mes vielles veines comme il le faisait autrefois, quand nous avions 18 ans… mon corps et moi!
Beam me down Scotty.
Une réflexion sur “L’aller-retour”