Les quinze incontournables

thVoici de bonnes nouvelles.

Radio Canada a retenu les services d’un comité d’expert pour identifier les 15 titres incontournables de la littérature francophone de l’Ontario, dans le cadre de la journée de la littérature franco Ontarienne.

Croyez-moi, pour un Tremblay habitué à être relégué à la fin de toutes les listes, après les OPQRS de ce monde, c’est un honneur d’être en tête de liste.

Mais aussi, pour l’équipe de Prise de parole, c’est rassurant de voir que 13 des 15 titres ont été publiés aux éditions Prise de parole.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1100032/incontournables-litterature-franco-ontarienne-panel

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L’aller-retour

Le Grand livre, volume 34,
le 17 juillet 2018

BeamEn général, j’aime beaucoup (même trop) me prélasser dans mes souvenirs. Ce qui explique ma tendance à divaguer, à faire, sans crier gare, des retours en arrière bien sentis. J’ai une bonne mémoire, une 20/20… si vous me pardonnez la métaphore chargée.
Il y a quelques instants, j’ai entendu une version jazzée de Dimanche après-midi. À peine audible, les paroles de cette tune était à peine perceptible, son évanescence était aussi mystérieuse que celle d’un revenant. Si je l’ai reconnue, c’est de l’avoir tellement écoutée. Le coupable, mon IPOD… qui dans ma chambre continue d’exécuter la commande de lecture que je lui ai lancée hier soir.
Cela arrive, cet automate est immensément stupide, ou si vous le permettez, c’est un véritable idiot. Il ne sait pas que le soleil s’est levé, surtout il ne sait pas que j’en suis rendu à ma session d’écriture de l’aprèm, dix heures après le début de ma journée.
Dans ce genre d’expérience, je garde toujours un pied ancré dans la réalité et l’autre déchainé dans une version imaginée et virtuelle d’un moment intense. Pour y accéder, il faut se laisser aller complètement dans la poésie, il n’y a alors que la musique des  mots.

« Un mince fil vivant
[qui] serpente entre
le mot et le sens
entre la ligne et le signe »

ce poème de Denis St-Jules nous empêche de divaguer indéfiniment dans l’au-delà… dans l’absence de conscience.
Pour moi, ce poème et cette chanson, 50 ans plus tard, deviennent une métonymie, une expérience essentielle qui me permet de revisiter l’événement original. Pour ce faire, l’intensité du moment premier doit passer directement au travers de mon corps pour m’atteindre dans ce que j’ai de plus intime. Voilà où et pourquoi elle est essentielle…
J’ai passé plusieurs dimanches après-midi avec Paul-André sur la galerie de la maison de ses parents, on entendait la chorale qui chantait dans l’église. Le restaurant des adolescents, St-Amand’s, était fermé comme tous les commerces de notre petit village. Il n’y avait rien à faire sauf chiquer la guenille, sauf se féliciter d’avoir la chance d’être assis à l’abri avec un ami, de prendre le temps de taquiner une guitare, d’écrire une chanson et d’écouter la musique de la pluie.
Depuis toujours, il y avait une grande flaque d’eau devant la maison au lieu d’un trottoir. En 1960 et quelques, c’était comme ça, on n’avait même pas l’idée que notre trou d’eau était dû à l’absence d’un trottoir, c’était plutôt une invitation à aller danser dans l’eau… du moins pour ceux qui étaient assez fous pour le faire.
Ce n’est pas mon ami, mes amis ou ce village paisible qui me manquent, c’est tout simplement le plaisir d’avoir 18 ans… Qu’il est bon de s’oublier pour quelques instants, de voyager dans notre propre corps comme on voyage dans les paysages du Nouvel-Ontario. Lacs, ruisseaux, forêts déchainées, le sang qui bouille dans mes vielles veines comme il le faisait autrefois, quand nous avions 18 ans… mon corps et moi!
Beam me down Scotty.

Révision de la Loi sur le droit d’auteur : n’oublions pas les créateurs !

Communiqué pour publication immédiate
Montréal, 18 décembre 2017

L’UNEQ accueille favorablement les intentions du législateur dans la révision de la Loi sur le droit d’auteur, annoncées le 14 décembre dernier par les ministres Mélanie Joly (Patrimoine canadien) et Navdeep Bains (Innovation, Sciences et Développement économique Canada).Les deux ministres ont fait savoir que la loi sera revue en profond

Maison-des-écrivains
La maison des écrivains : au square Saint-Louis à Montréal

Les deux ministres ont fait savoir que le loi sera revue en profondeur et qu’elle redonnera du poids aux droits des créateurs : la législation devra « habiliter les créateurs à tirer profit de leur travail et de leurs investissements », « permettre aux créateurs de recevoir une rémunération équitable et transparente et aux utilisateurs de bénéficier d’un domaine public ». Nous ne pouvons qu’être en accord avec ces intentions et espérer qu’elles seront suivies de résultats concrets.
Le porte-parole de la ministre Mélanie Joly, Simon Ross, a d’ailleurs déclaré : « On a souvent dit qu’il sera important de remettre les créateurs au centre de la loi », ajoutant que « la réforme de 2012 n’était pas équitable pour les artistes ». Nous sommes d’accord avec cette déclaration et croyons que ce souci à l’égard des créateurs est devenu fondamental pour assurer la survie de notre modèle de création artistique.
L’UNEQ note cependant que la révision de la loi a été confiée au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. « Il est primordial que le ministère du Patrimoine canadien soit intimement engagé dans le processus pour que la révision de la loi tienne compte des besoins des créateurs et de l’industrie culturelle », estime Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ.
Rappelons qu’en 2012, lorsque le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur le droit d’auteur, il a accru le nombre d’exceptions qui permettent d’utiliser une œuvre protégée ou une partie de celle-ci sans le consentement du titulaire de droits et sans rémunération.
En conclusion, si nous estimons heureuse l’annonce des deux ministres fédéraux, nous rappelons notre volonté de prendre part activement à ces travaux de révision. Il s’agit de déterminer les valeurs fondamentales que le Canada veut mettre de l’avant pour les années à venir, avec des répercussions importantes pour les créateurs et l’ensemble de la société.
À propos de l’UNEQ
Créée en 1977, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois regroupe plus de 1 500 poètes, romanciers, auteurs dramatiques, essayistes, auteurs pour jeunes publics et auteurs d’ouvrages scientifiques et pratiques. L’UNEQ travaille à la promotion et à la diffusion de la littérature québécoise, au Québec, au Canada et à l’étranger, de même qu’à la défense des droits socioéconomiques des écrivains.
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Source : Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)
Contact : Jean-Sébastien Marsan, directeur des communications, 514 849-8540 poste 225 | jsmarsan@uneq.qc.ca

 

PEN International s’inquiète

Voici donc un communiqué de presse de PEN International, dont je suis membre, que j’ai traduit en Français pour PEN Québec.

Gaston

PEN International s’inquiète de la détérioration du climat de liberté d’expression en Catalogne

85755_camera-television-tv3-catalogne-chaine-publique23 novembre 2017 — PEN International est extrêmement préoccupé par les restrictions qui ont été imposées à la liberté d’expression et d’opinion en Catalogne pendant la campagne référendaire et après le référendum sur l’indépendance de la Catalogne tenu le premier octobre 2017. Alors que l’élection régionale du 21 décembre approche en Catalogne, PEN International est particulièrement alarmé par les rapports sans précédent de l’augmentation du niveau de harcèlement et de violence contre les journalistes.

« Pour qu’une élection soit libre et juste, il est vital et évident que les journalistes devraient être capable de travailler sans harcèlement, sans intimidations et interférences indues, pour qu’ils puissent agir librement, parler à quiconque ils veulent et écrire ce qu’ils désirent. Les médias ont un rôle légitime dans une démocratie : celui de chien de garde, celui de créer une plateforme de diffusion pour les campagnes, celui d’être un forum pour les débats, celui d’éduquer le public, pour que le peuple puisse participer pleinement et de façon significative dans l’élection. À ce jour, la réaction du gouvernement espagnol à cette crise politique est déconcertante, et contraire au genre de message que l’Espagne — et les autres pays européens — transmet aux pays qui sont aux prises avec une élection hautement contestée et partisane. Selon Salil Tripathi, président du Comité de la défense des écrivains emprisonnés de PEN International, « La démocratie commence à la maison ».

Suite à plusieurs rapports crédibles et bien documentés de l’emploi de force excessive le jour de l’élection par les agences de la paix — notons que de tels rapports exigent des enquêtes approfondies et impartiales menées par des experts indépendants — PEN International souligne encore une fois que le climat favorable à la liberté de presse en Catalogne se désagrège de jour en jour. La polarisation du débat sur l’indépendance de la Catalogne a un impact néfaste sur la liberté d’expression des médias ; plus particulièrement, il y a un manque de reportages équilibrés dans les deux camps, ainsi que dans les services publics d’information.

Des exemples de la détérioration de la liberté d’expression incluent :
• Des cas de harcèlement des journalistes dans les médias sociaux et même, dans certains cas, des cas de violence physique. Les deux camps, aussi bien celui étant en faveur que celui étant contre l’indépendance de la Catalogne, sont impliqués dans ces méfaits qui sont perpétrés avec l’aide des actants publics ou privés.
• Les autorités judiciaires poursuivent l’éditeur du magazine satirique El Jueves ainsi que le comédien, Eduard Biosca, pour des farces qu’ils auraient publiées dans le magazine ou proférées à la radio au sujet des policiers espagnols.

• Des enseignants de trois écoles de la ville La Seu d’Urgell sont l’objet d’une enquête pour avoir supposément fait en classe la promotion de discours haineux lors des débats politiques au sujet du référendum et de l’oppression systématique orchestrée par la police.
• Selon un reportage, un instituteur qui a été arrêté pour quelques moments est toujours le sujet d’une enquête pour avoir présumément incité des gens à la haine et critiqué la violence de la police dans les médias sociaux.

PEN International a déjà exprimé sa préoccupation en ce qui concerne l’utilisation des mesures judiciaires pour étouffer les débats démocratiques en Catalogne et l’utilisation, dans certains cas, de l’emprisonnement avant procès criminel pour l’expression non violente d’opinions politiques dissidentes. Entre autres, cela inclut des cas bien en vue comme les actes d’accusation contre des sécessionnistes bien connus comme Jordi Sànchez et Jordi Cuixart pour rébellion et sédition, ainsi que des accusations semblables contre plusieurs chefs de file politique et des vingtaines de politiciens locaux, des accusations incluant la désobéissance criminelle, la prévarication et le mauvais emploi des fonds publics.

Selon Marjan Strojan, président du Comité des écrivains pour la paix de PEN International « Une élection démocratique est impossible quand les gouvernements entravent et restreignent la liberté d’expression pendant une campagne électorale. ». Il a ajouté que « Les autorités espagnoles doivent faire preuve de retenue et accepter que le discours séparatiste contribue au pluralisme de la société espagnole et qu’il soit toléré dans une société démocratique tant qu’il n’incite personne à la violence. »

PEN International souligne que la liberté d’expression sans encombre, ainsi qu’une presse et des médias libres sont deux piliers importants d’une société démocratique. Dans le contexte de la campagne pour les élections régionales qui commencera le 6 décembre 2017, nous recommandons que les autorités espagnoles et catalanes :
• Prennent tous les moyens nécessaires pour s’assurer que les élections soient libres et juste, ce qui inclut en particulier la liberté de la presse et des médias ;
o Qu’elles s’assurent que les journalistes puissent faire le travail sans interférences indues ; et,
o Qu’elles garantissent l’accès aux médias et assurent une couverture et un traitement égal à tous les partis politiques par les services d’information publics ;
• Qu’elles s’abstiennent d’utiliser l’appareil judiciaire comme outil de suppression de la liberté d’opinion, d’expression et de débats ; et,
• Qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires afin d’engendrer un climat favorable à l’expression pacifique de l’opinion politique du peuple catalan, incluant celle de l’autodétermination.

***

Comme dans un cloître…

Un extrait de mon nouveau roman

« Dans le corridor, il bifurqua soudainement vers la gauche, pour se rapprocher sans raison apparente des cases des étudiants. Du revers de la main, il tambourina prestement sur l’une des portes avec les jointures de ses doigts. Il sourit, se rappelant les casepetits méfaits de son professeur qui s’amusait à frapper sur les portes des cellules du cloître des Jésuites de l’université. Peu importe l’importance du “père”, qu’il soit frère adjuteur, confesseur, père missionnaire, père enseignant et même le père supérieur, il avait droit à la même taquinerie, parce que l’on s’ennuie tellement dans les couloirs sombres d’un cloître. Par la suite, Albert avait pris l’habitude de jouer des jointures de ses doigts sur le métal des portes des casiers pour s’amuser un peu dans les couloirs ennuyants de la faculté. »

 

Entretien avec Peter Kupidera de la Bibliothèque de référence de Toronto

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L’agora de la Bibliothèque publique de référence de Toronto

Pour annoncer ma présentation du 22 septembre Peter ma demander de répondre aux questions suivantes.

Peter — Gaston Tremblay, votre initiation littéraire a commencé avec la poésie. Pourquoi ?

GAT —  J’ai commencé à écrire de la poésie très jeune, à l’âge de treize ans. Mon père est mort en 1958, et ma mère a placé les trois plus vieux de ses huit enfants dans des pensionnats. Donc, en 1962 j’entrais en Élément latin au Collège du Sacré-Cœur de Sudbury. J’étais beaucoup trop jeune, j’ai eu beaucoup de difficulté à m’adapter au régime de vie des pensionnaires.

Un soir d’automne, étant extrêmement triste, je marchais sous un ciel étoilé devant le collège… entre les grands ormes qui longeaient l’allée qui s’ouvrait ostensiblement sur la rue Notre-Dame. J’étais en détresse, je ne comprenais pas pourquoi ma mère m’avait « renvoyé » de la maison. C’est dans la noirceur, entre ciel et terre, que la poésie m’a soufflé à l’oreille mon premier poème : un quatrain aussi simple que musical.

Ô nuit que tu es noire
Toi qui aimes boire
Tous mes espoirs
Ô nuit que tu es noire

J’ai vécu une adolescence difficile, l’écriture devint alors un exercice exécutoire et c’est par nécessité que j’ai continué à écrire des poèmes au collège et ensuite à l’école secondaire. De retour dans la maison de ma mère, ma sœur Rita devint ma secrétaire, elle transcrivait mes poèmes dans un grand livre de comptabilité. Elle était mon unique lectrice. Notre seul moment de gloire vint le jour où nous avons vu paraître un de mes textes dans le journal hebdomadaire du diocèse.

Pour moi, la poésie est et est toujours la montée, l’allée qui mène vers le corps et l’âme des autres.

Peter — En matière d’écriture, au fil des années, vous avez évolué vers le roman et l’essai. Qu’est-ce qui vous a attiré vers ces genres littéraires ?

GAT — Sans aucun doute, l’évènement qui a marqué mon adolescence est ma rencontre, du dramaturge et musicien André Paiement. En 1967, j’étais trop sérieux, et lui trop badin ; pour rire, il me comparait à Spike le gros bouledogue gris des Loony Tunes. Mon nouvel ami, pour me targuer, s’amusait à sauter tout autour de moi comme Chester, le petit terrier jaune dans cette bande dessinée. Surtout, nous sommes connus dans le journal intime que je tenais à l’époque. Au début, il était mon premier et seul lecteur. Ensuite, il devint le secrétaire qui dactylographiait mon texte et puis enfin, mon corédacteur. Nous voulions écrire un roman, Le Grand Livre, une autofiction au sujet de l’amitié que nous avions découverte dans le cadre du club de discussion, Les TACS des jeunesses catholiques de la paroisse du Sacré-Cœur de Sturgeon Falls. Le temps passe, l’adolescence s’estompe, après l’université nous avons abandonné ce projet pour poursuivre nos carrières respectives, lui, comme directeur et fondateur du Théâtre du Nouvel-Ontario, et, moi, comme poète fondateur des éditions Prise de parole. Quarante ans plus tard, après avoir réussi une maîtrise en création littéraire ; esseulé, j’entreprenais Le Grand Livre qui fut publié chez Prise de parole en 2012.

Peter —À vos débuts, vous étiez très engagé dans la vie littéraire et le mouvement théâtral de Sudbury. Comment cette aventure vous a-t-elle marquée pour les années suivantes de vos activités littéraires ?

GAT —  Nous étions des enfants de chœur, mais nous rêvions d’être des artistes. Le mouvement CANO nous a fait rencontrer d’autres jeunes artistes qui voulaient faire exactement la même chose dans leur hic et nunc, dans leur ici et maintenant. C’est peut-être la chose la plus importante qu’il faut retenir de ce mouvement, nous avons construit et animé des organismes de création : Le Théâtre du Nouvel -Ontario, Prise de parole, la Slague, la Galerie du Nouvel-Ontario, la Nuit sur l’Étang. Cinquante ans plus tard, au fil des générations, ces institutions sont devenues des outils essentiels que de nouvelles générations d’artistes qui les animent toujours !

Peter — Vous avez développé le concept de littérature du vacuum en analysant la littérature franco-ontarienne. Dans votre dernier livre, La Littérature du vacuum, vous avez approfondi votre argumentation sur ce sujet. Est-ce que la situation du vacuum défavorise ou stimule/dynamise l’acte d’écrire en français ?

GAT —  De par sa nature, l’homme tend à structurer son environnement pour survivre, pour se développer, pour s’émanciper. Je dirais qu’avec le temps et l’effort des littérateurs de tout acabit, le vacuum est devenu exiguïté, une situation que les peuples hyperminoritaires subissent. Dans un tel environnement, les écrivains ont peu d’espace littéraire pour s’épanouir, ce qui est un désavantage de taille. Par contre, la contrepartie de ce handicap est la liberté que l’absence de structures rigides accorde aux écrivains, le vacuum et l’exiguïté deviennent donc un lieu, de recherche identitaire, d’expérimentation et d’hyper production. C’est ainsi que j’expliquerais qu’un petit peuple comme celui du Québec arrive à projeter sa culture et sa personnalité dans le monde.

Peter —Selon vous, quelle est la place de la littérature franco-ontarienne au sein des littératures du Canada et de la francophonie ?

GAT —  Il en va de même pour la littérature franco-ontarienne. En moins de cinquante ans, nous avons réussi à nous tailler — à bout de bras — une place dans la littérature canadienne. Certains auteurs commencent à percer sur la scène internationale, mais c’est difficile pour eux, car, à l’instar des Québécois, nous n’avons pas une institution littéraire suffisamment développée pour se développer facilement au-delà de nos frontières. Cela est d’autant plus vrai que les effectifs démographiques des Franco-Ontariens ne représentent que dix pour cent de la francophonie canadienne. Contrairement aux Acadiens, nous sommes hyperminoritaires, mais nous avons le privilège de vivre dans une province qui a une relation gémellaire avec le Québec et qui de plus est la plus populeuse et la plus riche du Canada. Puisque le Canada se projette dans le monde à partir d’Ottawa, la capitale nationale, et à partir de Toronto la métropole, cette province attire des immigrants francophones de toutes les régions du monde.

Peter — Quelles sont les nouvelles orientations de cette littérature ?

GAT —  Depuis les tout débuts, la littérature franco-ontarienne se veut ouverte à tous les francophones, et aujourd’hui ce principe philosophique est devenu une réalité. Certains diront même que le thème identitaire a été évacué des œuvres franco-ontariennes, où, tout au moins, qu’il est beaucoup moins important. Plutôt, je proposerais que la quête identitaire des Canadiens français s’est transformée et s’est ouverte sur celles des autres : la quête des immigrants qui cherchent à se faire une place en Ontario français et celles de tous les aux autres groupes défavorisés qui réclament leur juste place au soleil : les femmes, les homosexuelles, les handicapés, etc. L’ouverture et la tolérance sont devenues des Works in progress qui enrichissent la toile identitaire de notre pays et de notre province. La littérature du hic et nunc de Prise de parole est désormais une littérature de la pluralité, aussi bien au niveau du contenu que de la recherche formelle.

Peter — Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets littéraires ?

Dans la nouvelle année, j’entreprendrai l’écriture d’un autre roman, qui sera jusqu’à un certain point une suite du Grand Livre. Le sujet sera totalement différent, mais ce sera tout de même une autofiction, une approche que j’aimerais approfondir dans la nouvelle année. Du même souffle, je vais continuer d’écrire de la poésie dans mes moments libres, le genre que j’ai toujours privilégié. Car pour moi, la poésie est la montée qui mène vers la maison des autres.

-40 —

Gaston Tremblay, écrivain et éditeur franco-ontarien, qui vit à Montréal, donnera une conférence sur le poète Patrice Desbiens — L’Homme qui apparait et disparait dans le vacuum. Le programme aura lieu le jeudi 22 septembre à 18 heures dans Discussion Room, Bibliothèque de référence.

Vous êtes cordialement invités à nous rejoindre.

Pour trouver plus d’informations, s’il vous plaît appelez-nous au 416-393-7085.

Merci

Enfin après plus de dix ans de travail voici le troisième volume et notre dernier mot.

Un témoignage, en guise de…

JPEG-Le recueil de Dorais, vol. III

Dans cette postface, nous voulons rendre hommage au grand éducateur et animateur qu’est Fernand Dorais. Pour ce faire, nous avons choisi de souligner son influence sur le cheminement et la vie des deux auteurs de ce texte : Gaston Tremblay, directeur des trois volumes du Recueil de Dorais, et Sheila Lacourcière, adjointe dans la réalisation de ce projet. Nous sommes tous deux d’anciens étudiants du professeur, et nos cheminements dans la vie sont bien différents l’un de l’autre. Mais nous sommes unis dans notre admiration, notre gratitude, notre amour pour cet homme : Fernand Dorais nous a accompagnés dans la vie et dans nos études jusqu’à la fin de nos recherches doctorales.

Pendant ses années à Sudbury, de 1969 à 1993, Fernand Dorais a été professeur de littérature à l’Université Laurentienne et animateur culturel dans le Nouvel-Ontario. Ce prêtre intellectuel a rédigé et publié plusieurs essais littéraires, que nous avons rassemblés dans le premier volume du Recueil de Dorais. Il a aussi écrit deux œuvres de création, réunies dans le volume deux, et ses mémoires publiées dans ce troisième ouvrage.

En 1972, Gaston Tremblay s’inscrit à l’Université Laurentienne en création littéraire. Tout au long du premier cycle, le professeur Dorais lui a offert une inspiration intellectuelle sans pareille. Pour donner suite à une demande que lui avait faite le poète en herbe, Fernand Dorais avait accepté de diriger un atelier de poésie, à une condition : que l’activité soit orientée vers la publication d’un livre. Le manuscrit issu des ateliers, le recueil Lignes-Signes, est prêt à la fin janvier 1973. Deux de ses auteurs, Gaston Tremblay et Denis Saint-Jules, s’occupent de l’édition et, ce faisant, ils fondent la première maison d’édition franco-ontarienne, les Éditions Prise de parole. Ils ont bien compris le mot d’ordre de Fernand Dorais, qui écrit dans la préface de Lignes-Signes que « ce qui n’est pas exprimé n’existe pas » et que « […] pour créer il faut désirer une continuation avec un milieu, une ethnie […] ». Gaston Tremblay souligne, dans un communiqué de presse à l’occasion de la mort de Fernand Dorais, l’importance de cet homme de lettres dans le succès que connaît Prise de parole. Il considère ce professeur comme son maître à penser.

Sheila Lacourcière est étudiante à temps partiel à l’Université Laurentienne de 1962 à 1973, puis de 1988 à 1995. C’est en 1970, dans un cours de littérature de premier cycle que Fernand Dorais arrive dans sa vie intellectuelle, pour ne jamais la quitter. Pour l’étudiante assoiffée de connaissances, les cours de ce maître-professeur, offerts avec rigueur dans un style éblouissant, et imprégnés de deux mille ans de littérature, de philosophie et d’histoire, mettent son esprit en ébullition et attisent son désir d’apprendre. Quand Sheila rencontre Fernand Dorais, c’est déjà une femme d’un certain âge ; Dorais lui fait prendre conscience de la richesse de la vie intellectuelle et il l’incite à entreprendre des études doctorales à l’Université d’Ottawa. Au fil d’une longue correspondance, il continue de la conseiller, de lui donner le courage de poursuivre ses recherches.

Ce rôle de professeur et de mentor, Fernand Dorais l’a joué auprès de Gaston Tremblay et de Sheila Lacourcière, mais également de toute une génération de jeunes artistes et littérateurs franco-ontariens.

C’est sous l’inspiration de Fernand Dorais et nourrie de sa pensée qu’un groupe de jeunes adultes, dont Gaston Tremblay, se réunissent pour former la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario, embryon des institutions artistiques sudburoises qui perdurent jusqu’à nos jours. L’esprit du maître-professeur est un phare qui éclaire la route des artisans du Nouvel-Ontario, qui les initie à une vision spéciale du monde.

De 2003 à 2015, Sheila Lacourcière et Gaston Tremblay font cause commune pour compléter ce vaste projet de recherche et de publication qu’est le Recueil de Dorais, dans une volonté de restituer sa place à ce grand pédagogue et auteur, lui qui a sculpté et ciselé l’esprit de deux personnes si différentes l’une de l’autre. Fernand Dorais décrit ainsi, dans une lettre, sa méthode pédagogique : « […] le dialogue des cerveaux et plus encore des cœurs, des âmes ».

Du fond du cœur, Gaston Tremblay et Sheila Lacourcière lui témoignent toute leur admiration, leur affection et leur reconnaissance.

 Sheila Lacourcière, Ph. D.

 Gaston Tremblay, Ph. D.

Décembre 2015

GO ! GO ! MÉTAPHORES !

D'amour et turbulencesDans le rectangle bleu de ce samedi matin

Dans ce silence matinal

Sans murmures, sans musique

Il n’y a que les claquements des clefs de mon clavier

Mitraillette de consonnes, de voyelle et de ponctuation

 

Je relis pour une première fois mon recueil de poésie

Comprendre que la publication d’un florilège

Est une loi d’aide à mourir

Il faut que j’en fasse mon deuil

Je désespère de ne plus pouvoir les retravailler

 

Mes poèmes sont mes amis

Mes compagnons de vie

Je les polis comme des verres de cristal

Je les peaufine comme des meubles de bois exotiques

Je les aime, je les baise et les cultive jusqu’à toute fin

Sous les rouleaux compresseurs des presses électroniques

Jusqu’à ce qu’ils s’aplatissent, s’incrustent dans les fibres du papier

Dans les pixels vivantes des librels

Des lors, ils passent de mon ordi au columbarium municipal

Sans crier gare, je m’écrie « Go ! Go! Métaphores ! »

 

Et je les lis, je les relis, je m’y lis, je prends acte de leurs existences

Figé sur le papier, je constate leur beauté

Et puis, malheureusement, il y a toujours quelques « vers en souffrance »

Qui malheureusement sont désormais figés dans les stèles du temps.
Prise de parole
D’amour et de turbulences
Date :
Avril 2016
Genre : Poésie
Collection : Poésie
ISBN : 9782894239728
Prix : 18,95 $

 

La littérature du vacuum en librairie

Vacuum-couv-1Les Éditions David annoncent la parution du livre La littérature du vacuum de Gaston Tremblay, un essai sur l’émergence de la littérature franco-ontarienne. Après les États généraux du Canada français, qui marquèrent la rupture entre le Québec et les francophones du Canada, la communauté franco-ontarienne a dû s’inventer une littérature à partir de rien, telle est la thèse qu’élabore Gaston Tremblay dans cet essai. Complétant la typologie institutionnelle de François Paré, qui oppose les petites aux grandes littératures, Gaston Tremblay propose ici une troisième catégorie, les littératures du vacuum, lesquelles existent dans un vide social, là où certains champs du pouvoir sont atrophiés, voire inexistants. À Sudbury, à l’Université Laurentienne, Gaston Tremblay a participé à la fondation des Éditions Prise de parole, dont il a assuré la direction pendant dix ans, et au lancement de la Nuit sur l’étang. Auteur d’une dizaine de livres, il enseigne au Département d’études françaises de l’Université Queen’s.  En librairie le 13 avril 2016 Pour plus de renseignements, consultez le feuillet promotionnel. Service de presse en format papier ou numérique sur demande.

Voix savantes

La littérature du vacuum    Genèse de la littérature franco-ontarienne

ISBN 978-2-89597-537-3
ISBN 978-2-89597-564-9  (pdf)

424 p. – 39,95 $ – 22,9 x 15,2 cm

Faire ses Pâques

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Stèle funéraire, André Tremblay, 2002.

La semaine de Pâques est passée sans que je m’en aperçoive. Je n’ai pas fait mes pâques; du moins, pas de la façon que ma mémère l’entendait. Pour elle, faire ses Pâques s’était sérieux: confessions, pénitences et sincères repentirs suivis d’une communion. Pendant l’année, elle ne nous talonnait pas souvent pour les choses religieuses, mais à Pâques elle partait en croisades pour s’assurer que tous les hommes de la famille respectent le jeûne du carême jusqu’à la dernière minute ; sinon, ils devaient repasser au confessionnal et à la sainte table.

Il y a quelques jours, c’était peut-être jeudi ou vendredi soir, j’ai aperçu tapie dans le noir une image de moi que je n’avais jamais vu. J’ai compris l’ampleur de ma peur, de mes pleurs, de ma fragilité, de mes humeurs dépressives, de ma panique. Je suppose que j’ai appris de ma mère à demeurer impassible devant les outrages, les actes d’agression… qu’elles soient physiques, morales ou mentales. Cela me rappelle l’image de ma mère à genoux dans l’église, elle qui demeurerait figer dans sa posture de veuve en noire, entourée de ses quatre plus vieux. Seules dans le banc de la veuve, elle semblait se sentir loin de sa famille qui était de l’autre de l’allée centrale, dans les bancs de la veuve de notre oncle mort dans les mêmes circonstances que notre père. Maman était forte, comme le granite de notre stèle funéraire. Nous, les quatre plus vieux, nous étions figés et prosterner devant notre destin comme des anges de sel autour d’une madone de pierre das un cimetière..

Je suppose que c’est ce jour-là où j’ai appris à refouler mes sentiments jusqu’au plus profond de moi-même. Fausse posture masculine s’il en est une, mais c’était l’époque des vrais hommes qui se tenaient droits devant l’adversité. Avec le temps, j’ai appris à canaliser cette énergie dans mes projets et à utiliser la poésie comme soupape de dernières instances. C’est ce que Dorais appelait de la structure, savoir se retenir, savoir emmagasiner les coups, canaliser l’énergie créatrice dans des projets concrets et à l’occasion savoir s’éclater dans la création le littéraire.

Mon fils n’avait pas beaucoup de structure, il n’avait pas à canaliser son énergie, il s’éclatait dans les sports violents, dans le jonglage et parfois dans la photographie. Et il était très bon, mais ses efforts ne se concrétisaient pas. Il ne pouvait pas travailler seul, il arrivait mal à travailler en groupe, il était comme moi un grand sensible, il s’est enfermé dans lui-même jusqu’à l’éclatement.

La mort de mon fils m’a fragilisé à un point où j’ai eu et j’ai toujours beaucoup de mal à encaisser les mauvais coups que l’on m’administre à l’université. Ce n’est plus une joute professionnelle ni du sport extrême, je ne peux plus entretenir cette posture de dur à cuire, j’ai les nerfs à fleur de peau, les sentiments en ébullition… de jour en jour, j’assiste à ma déconstruction.

Ce que j’écris aujourd’hui peut paraitre triste, mais je demeure insensible devant ce flot de mots qui coule de source. Il est nécessaire comme l’air que j’expire. Je suppose que je pleurerai lorsque je les relirai, pour le moment c’est un exercice de défoulement, AIEEEEEEEEEEEEEEEEE !